Si les "Kingsman" commençaient à nous faire demander combien de temps allait encore durer la méchante obsession de Matthew Vaughn pour les espions, "Argylle" vient de nous confirmer qu'elle devrait s'arrêter rapidement, du moins on l'espère...
Plus faible film d'un réalisateur qui n'avait quasiment jamais déçu avant de faire du surplace avec la saga des agents adeptes de la haute couture, "Argylle" devient carrément le symbole d'un Matthew Vaughn qui s'autocaricature, s'aventurant cette fois certes sur un pan plus léger et romantique du film d'espionnage, dans ce qui est une sorte d'enfant non-désiré entre "Night & Day" et "Le Secret de la Cité Perdue", mais ce registre étant lui-même si usé jusqu'à la corde, répété de façon industrielle par de multiples productions hollywoodiennes ces dernières années, que même les élans de coolitude et l'agitation habituelle du gamin turbulent biberonné aux comics en ressort ici vaine la plupart du temps.
Reprenant le concept de l'héroïne fragile plongée contre son gré dans le monde sans pitié des espions, "Argylle" tente de faire la différence avec le statut d'auteure de romans d'espionnage de celle-ci, jouant sur le décalage de sa vision tronquée et la réalité de cet univers -et, plus particulièrement, sur l'opposition pas très subtile entre les statures de Henry Cavill et Sam Rockwell- mais ne fait finalement que proposer du réchauffé où la maestria de Vaughn pour dynamiter les séquences d'action se transforme désormais en maigre artifice, entre musiques décalées, effets visuels à la qualité contestable et répétitions du même effet comique de dédoublement d'acteurs jusqu'à l'overdose.
Sans doute pire, et on aura rarement vu ça chez une proposition de Vaughn, en attendant de miser sur une avalanche de twists pour nous démontrer qu'il y a en réalité bien plus derrière ce postulat (c'est vrai mais ce n'est pas fou pour autant, jamais rien de vraiment imprévisible ou renversant en tout cas, juste une générosité notable de rebondissements qui tente de masquer l'effet de surprise faiblard de chacun d'eux), le film ne crée aucun affect pour ce qui se passe à l'écran, la faute parfois à un intrigue qui frise le non-sens le plus total (comment peut-on croire une seconde qu'enrôler une écrivaine pour deviner la teneur de certains évènements est une donne qui tient la route ?) ou à sa posture de temporiser sur des situations bien trop clichées et ses personnages peu attachants (à l'exception de Sam Rockwell) au milieu d'un parterre de stars dont on ne retiendra pas grand chose vu leurs rôles caricaturaux à outrance.
Débarrassé de cet handicap d'intrigue à tiroirs trop longtemps fermés, ce monstre d'"Argylle" pourra se libérer un peu de ses chaînes dans sa dernière partie, notamment sur ses aspects les plus romantiques et, surtout, grâce à la folie douce de Vaughn, celle que l'on a tant aimé et que l'on aime, qui reviendra enfin se manifester lors d'une séquence géniale remplie de fumigènes, ne pouvant qu'emporter tous les suffrages sur son passage (sans conteste le feu d'artifice du film), et une idée d'affrontement aussi absurde qu'inattendue ! Cela s'apparentera à une maigre récompense dans ses 2h20 qui n'auront pu rimer qu'avec déception vis-à-vis des attentes que l'on peut avoir d'un réalisateur tel que Vaughn mais, au moins, il en restera la preuve que, même au milieu de son oeuvre la moins convaincante, ses coups de génie signatures sont capables d'élever l'entreprise pendant quelques minutes bien au-dessus de ce que l'on peut peut voir habituellement.
Hélas, au vu de l'épilogue et de la scène post-générique, on tremble toujours et encore à l'idée que la lubie du metteur en scène vis-à-vis des espions ne soit visiblement pas encore arrivée à son terme...