Mais que diable arrive-t-il à Vincent ? Un beau jour, ce graphiste sans histoire se met soudain à déclencher des accès de violence inexpliquées à son égard chez des personnes dont il croise simplement le regard. D'un incident isolé à son bureau, le phénomène prend des proportions de plus en plus ingérables, obligeant Vincent à aller s'isoler du monde en rase campagne..
Et surtout, quelle mouche a piqué le cinéma de genre français ces dernières semaines pour qu'il se mette à proposer autant de projets originaux et différents en l'espace de quelques semaines ? On ne s'en plaindra pas, loin de là même, et c'est donc très peu de temps après "Acide", "Le Règne Animal" et "Gueules Noires" que déboule cet étonnant premier film de Stéphan Castang, où les débordements de violence gratuite de nos sociétés dites civilisées et leurs conséquences néfastes vont devenir le tremplin à un concept fantastique aussi fort qu'absurde: un homme devient inexplicablement du jour au lendemain le réceptacle de toute cette sauvagerie qui ne demande semble-t-il qu'à éclater chez autrui.
Parabole géniale sur la rencontre explosive entre la paranoïa post-traumatique d'une victime d'agression et celle, permanente, que les chaînes d'infos sensationnalistes et autres médias imprègnent sournoisement chez leurs spectateurs les plus influençables à longueur de journée (ce n'est pas un hasard si on aperçoit très vite ce qui semble être un débat télévisée en arrière-plan chez Vincent), "Vincent Doit Mourir" impressionne d'emblée par la maîtrise de son postulat, nous emportant, à l'instar de son pauvre héros, au sein de cet engrenage de violence avec une transversalité de tons digne du cinéma sud-coréen.
En effet, en l'espace de simplement quelques minutes, Stéphan Castang arrive à osciller avec un naturel assez sidérant entre l'uppercut que peut représenter le jaillissement de la plus pure bestialité dans la quiétude du quotidien, l'humour loufoque engendré par l'irrationnalité des premières situations post-agressions et cette faculté de toujours prendre son concept au sérieux, n'en éludant aucune conséquence pour son pauvre héros qui cherche lui-même à comprendre le mal dont il se retrouve victime. Bon sang, que cela du bien de voir un mélange de registres aussi habile dans un paysage cinématographique français souvent trop frileux à l'idée de briser les cases !
Et, la bonne nouvelle, c'est que "Vincent Doit Mourir" ne s'arrête pas qu'à son premier acte particulièrement accrocheur et réussi, il va enrichir son univers de certains satellites au fur et à mesure de la poursuite de solitude forcée de son personnage... et même se parer de la naissance d'une romance touchante, bien pensée et utilisée sur de nombreux aspects comme l'ultime rempart à la folie ambiante qui gagne la réalité dans laquelle évolue Vincent et qui menace de l'emporter.
Certes, pour les plus férus de ce genre de film, certains des éléments croisés dans la quête de Vincent seront parfois moins surprenants et, en privilégiant peu à peu des contours plus sentimentaux, le long-métrage perdra un peu de ce qui faisait sa force de percussion à ses débuts mais, en parallèle, il saura toujours se montrer très malin pour bouger les lignes métaphoriques de son concept à travers l'évolution de son récit, tout autant capable de leur donner une ampleur digne d'une apocalypse "Romero-esque" où cette fureur collectif refoulée se déploie à l'écran en écho à la pullulation de voix médiatiques invasives que magnifiquement intime, traduisant au plus près la réunion d'états d'âme de deux êtres cabossés par la vie dans cette adversité qui les amène à apprendre à se conjuguer en un "nous" nécessaire à sa pérennité.
Atypique, intelligemment mené et intrigant, "Vincent Doit Mourir" s'impose comme une des surprises françaises de l'année ! À un point que l'on préférera clairement prendre Vincent dans nos bras pour le remercier de ce voyage si intense en sa compagnie que de lui coller une méchante mandale.