Zoe Kravitz, fille de Lenny, propose avec « Blink Twice » son premier film. Et elle choisi de frapper fort, avec un thriller horrifique et engagé
qui n’est pas sans faire penser au « Get Out » de Jordan Peel
. Pour un premier film, je trouve que dans sa forme le film est drôlement bien tenu. Que ce soit au niveau de la maitrise du son, des effets de caméra ou bien du montage et le la dramaturgie, « Blink Twice » fait l’effet d’un film soigné. Tournée dans décors de rêve, tout dans ce film respire le luxe et l’insouciance, alors que sur le fond le film traite exactement de l’inverse. Le choix des costumes (blancs immaculés et sexy pour tous les personnages féminins), le choix de la musique, jusqu’aux petits détails du décor
(la statuette de forme phallique dont le rôle dans l’intrigue s’avérera crucial)
, tout à son importance et tout semble réfléchi. Par exemple, au début du film quand les filles s’incrustent dans la soirée, e
lles ont une robe bleue ou la robe rouge, on peut y voir au début un petit clin d’œil à « Matrix » mais une fois le film terminé, on se dit que tout cela était peut-être bien plus qu’un clin d’œil
. La bande originale est sympa, pas envahissante et plutôt bien utilisée. C’est d’autant plus intéressant que d’habitude, dans les films de ce genre, la musique appuie tellement les effets qu’elle en devient parfois incommodante, ici ce n’est pas du tout le cas. D’ailleurs je trouve que le travail sur le son d’une manière générale est assez pointu dans « Blink Twice ». Le casting réuni des stars comme Channing Tatum, Kyle MacLachlan, Geena Davies (devenue bien trop rare au cinéma je trouve), Christian Slater ou encore Haley Joel Osment (il va encore voir « des gens qui sont morts » !) et des comédiennes moins connues à l’instar du rôle titre de Frida, Naomie Ackie. Cette dernière est tout à fait convaincante dans le rôle de cette jeune femme modeste éblouie par le luxe et qui ne comprend spas d’emblée
qu’elle a mis les pieds dans un endroit dangereux.
Channing Tatum est bien plus crédible en milliardaire
enivré de sa propre impunité
qu’il ne l’était en ingénieur de la NASA dans « To The Moon » ! L’ensemble du casting est reussi mais on peut trouver que certains seconds rôles sont sous-exploités, notamment celui de Stacy (Geena Davies). On aurait aimé en savoir plus sur ce personnage d’assistante maladroite, et notamment sur son passé, ce qu’elle sait, ce qu’elle ignore, ce qu’elle vécu ou pas. On devine une toute petite bribe vers la fin mais c’est frustrant. C’est un peu pareil pour certains rôles masculins, qui sont-ils réellement, des milliardaires ou des parasites qui tournent autour de Slater King ? Tous se retrouvent rapidement sur une île déserte sans qu’on comprenne vraiment ce qui les lie. On pourra objecter que cela ne change pas grand-chose au scénario de le savoir, que ce n’est pas ce qui importe mais quand même, ça aurait donné plus de force au propos de fond, je pense. Le propos de fond, je l’ai dit, est militant.
Comme « Get Out » était militant de la question raciale, à sa manière, « Blink Twice » est aussi militant, celui de la question des violences faites aux femmes.
Sans vouloir trop en dire, on doit quand même avouer qu’assez rapidement, au vu de petits détails visuels ou scénaristiques, on devine plus ou moins ce qui se joue sur cette île, et mieux vaut être prévenu,
c’est ignoble.
Zoe Kravitz, en se cachant un peu derrière une histoire en forme de conte horrifique, en se dissimulant derrière le film de genre, envoie sa banderille au cœur d’une question aussi moderne que dérangeante. Alors c’est vrai, elle le fait sans grande finesse, et on peut légitimement trouver que le scénario aurait pu être plus nuancé, moins outrancier, je le conçois.
Il y a dans le film un petit twist de fin, un rebondissement en forme de « petit lapin » qu’on ne pouvait pas deviner. Il rebat un peu les cartes, mais pas tant que cela au final. La toute fin est assez ironique et cruelle, et je dois avouer que j’aime beaucoup cette scène finale ultra cynique.
Les 15 dernières minutes sont sanglantes, c’était inévitable. Mais cette violence, que l’on peut estimer légitime, n’est pas réellement dérangeante. Pourtant, je suis assez sensible à la violence d’habitude mais ici, elle n’est pas complaisante (Zoe Kravitz ne fait pas dans la surenchère irregardable) et surtout, d’une certaine manière, elle est justifiée par l’intrigue et la dramaturgie du scénario. J’ai donc bien aimé ce thriller à la limite du film d’horreur, qui n’est clairement pas destiné à un public trop jeune ou trop impressionnable.