On n'a visiblement pas vu le même film que ceux qui ont décidé de faire de Saint Omer notre représentant pour la compétition des Oscars (spoiler alert : on est fichus), tant la séance a été difficile à tenir jusqu'au bout. Concrètement, Saint Omer est un plan fixe, frontal, sans musique, en lumière pâlotte naturelle, sur fond uni marron, de l'actrice principale qui se tient debout, statique, les mains posées sur la balustrade devant elle, qui regarde à votre droite, et répète inlassablement "je ne sais pas". Ce plan d'une pauvreté inédite, qui peut durer jusqu'à dix minutes sans être interrompu (une éternité, on vous promet), vous allez le déguster sur deux heures, par à-coups totalement inutiles (des micro-interventions visuelles d'un gros plan du visage de la juge, puis celui de l'avocat, puis d'une personne dans l'assistance, en revenant à chaque fois entretemps manger dix minutes de "je ne sais pas" statique interminable...). Dans notre salle au début de la séance, six personnes (la promotion du film a été très discrète), au bout d'une heure : nous-même, qui nous tenons les paupières avec les doigts. On se doute bien de la justification "le procès réel s'est déroulé comme ceci" pour soutenir le propos du film, mais on se pose alors la question de l'intérêt de le montrer tel quel, sans mise en scène ni coupure de non-arguments (à part dire qu'elle ne sait rien, et répéter les mêmes arguments légers en boucle). L'enquête aurait été peut-être plus intéressante à voir, car en son absence, le procès seul est inconsistant, et étire sa longue logorrhée sans faits : on comprend de suite qu'elle
a des troubles psychiatriques
, comme elle invente avoir fait des choses et ne se rappelle plus, à l'inverse, d'autres essentielles... Le suspens était absent, et la plaidoirie de l'avocate à la fin nous a désagréablement surprise : elle n'avance qu'un discours purement émotionnel et poétique, parmi lequel on cherche les faits et arguments (encore une fois), mais qui réussit l'exploit
de faire pleurer l'assistance, les jurés et même le juge
(oh pitié... A ce stade, on se moque carrément de nous). Enfin, on n'a pas saisi l'obsession de la jeune maman d'assister et retranscrire ce procès, tentant un lien maladroit avec sa propre grossesse (elle a des doutes ? Qu'elle arrête de boire de l'alcool, déjà !). Vraiment, Saint Omer nous a donné l'impression de se payer notre tête, et notre patience.