A peine plus d'un mois après "Eugénie Grandet", voici qu'est sorti "Illusions perdues", une autre adaptation d'un roman d'Honoré de Balzac ou, plutôt, l'adaptation de "Un grand homme de province à Paris", la deuxième partie des "Illusions perdues", parue en 1839. Deux films qui, visuellement, sont aux antipodes l'un de l'autre : grande économie de moyen chez Marc Dugain, grand étalage de moyens chez Xavier Giannoli, le cadre dans lequel se déroulent ces 2 histoires étant à l'origine de cette grande différence. Un point commun, par ailleurs : le désir des deux réalisateurs d'appuyer sur les facettes de ces romans dont l'action se déroule dans la première moitié du 19ème siècle, l'un en province, l'autre à Paris, qui font penser à ce que nous vivons en 2021. Ce désir est peut-être encore plus fort chez Giannoli qui se délecte à nous parler des fausses nouvelles, des "fake news", appelées des "canards" à l'époque de Balzac, et qui charge avec allégresse le monde de la critique, un monde présenté comme étant corrompu et versatile. Dans ce film trop long et baignant beaucoup trop dans un accompagnement musical, certes de grande qualité, mais souvent inutile quand il n'est pas nuisible, le rôle de Lucien de Rubempré, rôle principal du film, est tenu par Benjamin Voisin, un jeune comédien qu'on avait découvert en 2020 dans "La dernière vie de Simon" de Léo Karmann et dans "Été 85" de François Ozon. Auprès de lui, Cécile de France est l'interprète pleine de sensibilité de Louise, madame de Bargeton, Vincent Lacoste n'est pas très crédible dans le rôle du journaliste Étienne Lousteau, Xavier Dolan, interprète de Nathan, écrivain ami/ennemi de Lucien, confirme qu'il est meilleur comme acteur que comme réalisateur, Jeanne Balibar prend manifestement beaucoup de plaisir à interpréter la perfidie de la marquise d'Espard, Salomé Dewaels campe parfaitement une frémissante Camille, Gérard Depardieu est très sobre dans le rôle de Dauriat, un éditeur qui ne sait ni lire ni écrire, André Marcon, au jeu toujours très sûr, interprète le baron de Chatelet, Louis-Do de Lencquesaing est un très bon Finot, le patron de presse, et le très regretté Jean-François Stévenin, dans un de ses derniers rôles, pétille dans le rôle de Singali, celui qui fait les succès ou les bides dans les spectacles parisiens en se "donnant au plus offrant pour faire applaudir à tout rompre ou pour faire huer et jeter des tomates par la petite "troupe" qu'il a réunie autour de lui. Dans ce film foisonnant et inégal, notre préférence va aux scènes sobres et émouvantes qui ne réunissent que Lucien (Benjamin Voisin) et Louise (Cécile de France).