Xavier Giannoli, avec Illusions Perdues, fait un très bon parallèle avec la vision du journalisme d'aujourd'hui en s'inspirant librement de l'œuvre de Balzac. Son message très moderne et d'actualité se fond très bien dans ce film historique car tout y est pour que l'on puisse y croire.
Les décors et la lumière sont déjà somptueux, résultant d'un bon mélange entre les couleurs chaudes du journal et froides de la haute bourgeoisie, où les sentiments, les situations, ne sont pas du tout les mêmes. Ca fait aussi du bien de voir un réalisateur qui respecte l'époque dans laquelle il raconte son récit : très peu d'effets visuels numériques, beaucoup de mise en scène ancrée dans un Paris du XIXe siècle qui rayonne par sa crédibilité. Les acteurs sont tous irréprochables, même le caméo de Depardieu est vite oublié pour laisser place à son ignoble rôle. Benjamin Voisin livre une interprétation tout en nuance, jouissant du succès dans son innocence, et de sa plongée dans un cynisme qui finira par le faire tomber. Et même si le scénario est finalement assez classique dans sa conception, une sorte de "rise and fall" où l'on sent venir les drames et les rebondissements, la crédibilité du film fait qu'il reste très divertissant et très immersif, et son message me parle beaucoup aussi.
L'arrivée du libéralisme de l'époque qui a transformé les journaux en satire afin de remplir les poches des actionnaires, est une sombre histoire de notre pays. Et c'est un message qui me touche beaucoup, raison pour laquelle je continue à voir le film "France" comme le meilleur de cette année 2021. Illusions Perdues garde cette critique dans le fond de son film mais en le proposant divertissant, contrairement au film que j'ai cité. Ce qui le rend plus accessible au grand public, et donc très utile, pour moi, à la société. Même si les dialogues sont parfois caricaturaux là-dessus, notamment le personne de Vincent Lacoste qui, bien qu'excellent, soit un peu trop manichéen, la relation entre les personnages, très toxique par moment, illustre brillamment ce coté infame de ce qu'est devenu le journalisme, qui a fini par mener et influencer la politique du pays. "Bientôt, un banquier sera au gouvernement" comme le dit la voix-off.
En parlant de cette voix, c'est pour moi le plus gros défaut du film car elle est beaucoup trop présente sur des enchaînements de séquences où l'image pouvait en dire tout autant, voire beaucoup plus. J'ai ressenti à force comme une peur du réalisateur que le spectateur passe à coté du message de son long-métrage, et ça m'a un peu dérangé. Et malgré son montage très dynamique, la mise en scène est un peu au ralenti dans les 30 dernières minutes, avec des champs-contre-champs classiques dans chaque nouvelle séquence, qui donne l'impression que le film galère un peu à raconter la fin. Ce sont des défauts qui m'empêchent de le savourer comme je le savourais la première heure, mais ça reste un très bon film, gravé dans une époque historique très bien représentée, et ça fait du bien de voir un film français de cette trempe remporter son défi.