Février 2018 marque une légère concurrence entre "Le Retour du héros", "La ch'tite famille" et surtout "Les Tuche 3" ! Néanmoins, sans cesse taxée par les critiques de "film sur les beaufs, par un beauf et pour les beaufs", la comédie
d'Olivier Barroux faisant suite aux deux premiers volets du même nom respectivement sortis en 2011 et 2016 ne fait la
joie de la critique presse, et encore moins des spectateurs Allociné (moyenne de 2,5/5 étoiles pour la presse, et 2,2/5 pour le public), tandis qu'elle réussit à réunir pas moins de 2 millions de spectateurs en salles, et ce en l'espace d'une semaine. No comment sur "La ch'tite famille" de Dany Boon... si ce n'est que le film se mange d'ors et déjà une réputation de sous-"Bienvenue chez les ch'tis" version 2.0, qui connaîtra sans aucun doute l'échec au box-office. A côté de la fenêtre de la classe se situe "Le Retour du héros", patogeant peu dans le nombre d'entrées, tandis que les "Tuche 3" patoge soit disant dans la gadoue, au point de récolter une majorité de notes négatives mirobolantes et sans doute pas méritées à mon goût. "Le Retour du héros" marque aussi le retour de Laurent Tirard à la réalisation après un passage à vide suite à la réalisation d'"Astérix et Obélix: Au service de sa majesté" en 2012 avec Gérard Depardieu et Edouard Baer, qui malgré
ses plus de 3 millions d'entrées, connaît lui aussi une gros échec critique, comme son prédécesseur. Puis, en 2016
sort "Un homme à la hauteur", film sans histoires qui ne renouvellera pas le succès box-office des deux "Petit Nicolas" (2009-2014), et ne connaîtra pas plus d'appréciation que ses deux premiers films ("Mensonges et trahisons et plus si affinités" et "Molière"). Rentrons dans le vif du sujet: au XIXème siècle, le capitaine Neuville (Jean Dujardin) est contraint de quitter sa fiancée Pauline Beaugrand (Noémie Merlant) "quelques temps" après avoir été engagé à la guerre, en pleine période de conflit entre l'Allemagne et l'Autriche. Avant de partir au combat, il promet à sa bien-aimée de régulièrement lui
écrire afin de lui donner des nouvelles et surtout, quand il reviendra en France. "Les saisons changent et le temps passe", et il ne donne finalement plus signe de vie ; Pauline sombre peu à peu dans la dépression et attrape une pneumonie.
Sa soeur Elisabeth (Mélanie Laurent), pour la rassurer, se met donc en tête de prendre la place de Neuville et d'écrire de fausses lettres à son nom, le décrivant comme un héros national capable de contrer tous ceux qui osent croiser son chemin. Trois ans plus tard: Pauline est convaincue de la mort de Neuville et s'est remariée avec Nicolas (Christophe
Montenez), jeune homme naïf n'ayant pas autant de compétence que l'eut Neuville. Un jour, Elisabeth croise par hasard
un homme aux allures de vagabond prétendant être le capitaine Neuville ; il avoue à celle-ci avoir déserté et diverses anecdotes prouvant que l'hommage lui ayant été accordé était loin d'être mérité, et surtout qu'il représente tout le contraire du capitaine qu'elle a inventé dans ses lettres. Tandis que les deux personnes se font la guerre, Pauline est désormais exposée à un dilemme... Eh bien, un résultat est tout à fait satisfaisant ! On aurait pu craindre des lourdeurs et des maladresses présentent déjà dans l'oubliable mais sympathique "Astérix: Au service de sa majesté" (2012) mais le réalisateur a réussit à effacer ces petites incohérences afin de faire renaître le genre du "film à costumes", genre n'attirant visiblement aujourd'hui plus beaucoup de spectateurs. Avec un tel début de scénario, on pourrait en effet s'attendre à une espèce d'adaptation littéraire du court roman "Colonel Chabert" de Balzac: en effet, il y présente un héros vaillant obligé de quitter sa dulcinée pour la guerre, mais n'en reviendra pas... Eh bien tout faux ! Ce film est un détournement total des oeuvres (littéraires ou non) sur les guerres napoléonniennes, en commençant par "Le Colonel Chabert", mais aussi en passant par "Guerre et Paix", et en allant plus loin encore avec "Michel Strogoff" de Jules Verne, "Capitaine Courageux" de Kipling, "Le Comte de Monte-Cristo" d'Alexandre Dumas, "Don Juan" de Molière ou encore "Inconnu à cette adresse" de Kressman Taylor (pour le début, avec les échanges fictives de lettres), sur une trame littéraire d'abord classique se transformant petit à petit en pièce théâtrale humoristique digne de Molière comme il su si bien faire cinq siècles plus tôt. Au passage, c'est pas un hasard si le réalisateur fut à la tête du film "Molière" en 2007, avec Fabrice Luchini et Romain Duris dans le rôle-titre, puisque, deux ans après "Un homme à la hauteur" (2016) en compagnie de Virgine Efira, Jean Dujardin retrouve Laurent Tirard pour un rôle convenable s'inspirant visiblement de Tartuffe, Don Juan ou encore Philinte du "Misanthrope". Puis, hormis ses (très) nombreuses références littéraires et théâtrales cinématographiques, ce même personnage, cinématographiquement, se situe quelque part entre "Brice de Nice", "Un gars une fille" et "OSS 117" (eh oui!), rôle qui se révèle au premier abord être tout sauf celui d'un "héros national" mais davantage celui d'un mix entre ses
trois plus célèbres rôles que sont Brice, Jean d'"Un gars une fille" et Hubert Bonisseur de La Bath d'"OSS 117" ;
en effet à la place de présenter un soldat courageux, déterminé, courtois, agile et élégant, Dujardin campe à la place un vrai "pourri de l'intérieur", un soldat ayant en fait déserté, et qui se révèle malpropre, sale, macho ("Un gars une fille"), prétentieux ("Brice de Nice") imposant, lâche, incapable ("OSS 117"), inintéressé, parfois limite méchant... Grosso modo, un vrai "Don Juan", ce capitaine !
A travers tous ses défauts transformant le héros en anti-héros (personnage principal n'ayant pas les caractéristiques pour être désigné comme un héros, mais plus comme un figurant omniprésent), le film en propose une nouvelle définition et rappelle principalement la genèse d'un "héros":
il montre principalement qu'avant d'être ce qu'il est, c'est-à-dire une figure, un exemple pour toutes et tous, il est un homme comme les autres, c'est à dire ayant un comportement pas toujours emblématique, un enseignement d'armes limité, un tempérament parfois discriminatoire sur les bords et craintif...
Durant tout le long du récit, le personnage du capitaine Neuville va évoluer
(ou pas -voir la fin- ^^)
à travers un amour naissant pour Elisabeth (Mélanie Laurent), qui l'a sur les bras dès les débuts et ne trouve pas moyen de s'en débarrasser; l'actrice principalement connue pour ses rôles dans "Je vais bien, ne t'en fais pas" (2006), "Inglorious Basterds" (2009), "La Rafle" (2010) ou encore au doublage français de "Mon voisin Totoro" (1988) nous livre un personnage hilarant aux diverses facettes: cherchant d'abord à guérir sa petite soeur de la maladie d'amour au début, elle va devenir jalouse du glorieux hommage non-mérité accordé au capitaine, mais aussi pleine de vérité et aux volontés de franchise, une nouvelle fois telle un Alceste du "Misanthrope". La rivalité entre les deux personnages constitue la principale clé de l'histoire et malgré une certaine linéarité, se complète très bien en tant que support à la bande originale de Mathieu Lamboley, pourtant spécialiste des "petites" musiques pour "petits films" français, réussissant à très bien se coller à l'ambiance "renaissance" du film avec des thèmes chevaleresques rappelant principalement les films de capes et d'épées de Philippe de Broca ("Cartouche", "Le Bossu") et Jean-Paul Rappeneau ("Cyrano de Bergerac", "Le hussard sur le toit") avec des airs romantiques rappelant également les "period dramas" adaptés de Jane Austen ("Orgueil et préjugés", "Raisons et sentiments"). Pour conclure, tant de références culturelles haut-placées et intelligemment amenées et réflexion intéressante sur les personnages font de ce film un bon début d'année 2018 pour la comédie française par le biais de ses dialogues rassasiants jouant sur les quiproquos, la contraste du vrai et du faux et les gags "peau de banane" aucunement lourds et au contraire montrant que le film n'est pas destiné à un quelconque public en particulier. PS: et dire que malgré tout ceci, j'ai encore des contacts/connaissances qui continuent à cracher sur le cinéma français... alors que c'est aussi faux que les mensonges de Neuville, dans le film -_-