En pleine Guerre de Sécession, le caporal nordiste John MacBurney (Colin Farrell), grièvement blessé, est recueilli par une pension pour jeunes filles, située en territoire confédéré...
La comparaison avec le film éponyme de Don Siegel tient sur un mouchoir de poche, plutôt finement brodée, mais suffisamment bien fait pour s'en distinguer.
Le caractère subversif et audacieux du premier est ici revue à la baisse. Il n'est pas question de choquer le petit bourgeois par l'omniprésence du corps nu, tout âge confondu, mais d'observer la dégradation progressive d'une relation homme-femme coupée du reste du monde, qu'elle soit causée par les différences, par l'avantage numérique et intellectuel de l'un sur l'autre (de nombreux plans sont consacrés à l'éducation des jeunes filles de la pension, que ce soit la musique, la broderie ou l'apprentissage des langues), les circonstances que sont la Guerre de Sécession, très bien retraduit ici par le son (la seule musique, à l'exception de quelques courtes scènes, est composé d'un silence ponctué de coups de canon plus ou moins proches de la pension) là où Don Siegel insistait davantage sur le visuel - des hommes en uniforme.
Malgré une trame similaire et quelques dialogues identiques, certains détails changent et rendent l'ensemble moins caricatural que l'oeuvre de 1971:
1. l'esclave noire du premier film a disparu, ce qui n'est pas plus mal car malgré son importance ses répliques étaient à la limite du ridicule, 2. Amy, la jeune fille qui a découvert le caporal, cueille ici des champignons sans savoir s'ils sont nocifs ou non, alors que dans le premier film, elle savait faire la distinction. Ce détail avait l'avantage dans le premier film de rendre le personnage plus cruel pour la scène de climax tandis le traitement qui lui est accordé est plus nuancé et plus humain.
Sofia Coppola fait de l'oeuvre une observation quasi naturaliste du genre humain, à la manière d'un Zola, alors que Don Siegel en faisait un conte symbolique, à la limite de l'horrifique.
L'autre point fort est la différence de traitement accordé au personnage du caporal. Dans l'original le caporal (Clint Eastwood) était une brute cachée, prête à rugir en prédateur sexuel sans crier garde. Ici Colin Farrell s'avère plus mystérieux mais aussi plus courtois, comme si le beau verbe était pour lui le moyen d'attirer ses proies.
En revanche on peut noter un défaut au film, celui de ne pas avoir sur insister davantage sur l'élément déclencheur du drame à venir, arrivant ici de manière anecdotique et sans véritable explication, ce qui n'était pas le cas de l'original ( et oui Clint, dès le début on te voyait venir même si ta gueule d'ange voulait nous faire avaler le contraire !)
A noter également une petite incohérence qui néanmoins a toute son importance Amy nous dit au début du film qu'elle ne sait pas faire la différence entre un champignon nocif et un champignon qui ne l'est pas. Pourtant à la fin, elle va cueillir consciemment des champignons nocifs. Comment le sait elle ?
Ce remake n'entend pas surpasser l'original. Il entend montrer un autre point de vue, un autre regard, corrigeant au passage quelques maladresses du premier, sans toutefois atteindre la portée dramatique de celui-ci.