"A Most Violent Year" au delà de l'histoire passionnante et fort bien mise en scène par J.C. Chandor, est une excellente invitation à la réflexion sur la justification des moyens mis en œuvre pour arriver à ses fins...
Après avoir posé les bases de la vie d'Abel Morales, homme d'affaire aux dents longues, à travers sa réussite sociale et ses projets, on est tout de suite happé par sa personnalité et sa ligne de conduite, toute lisse et propre, à l'écart de la criminalité et des milieux mafieux, que ce dernier prétend défendre coûte que coûte alors que son entourage proche est lui, loin d'être au diapason !
À commencer par son épouse, remarquable Jessica Chastain, être déterminé, complexe et calculateur qui ne semble pas vouloir défendre les mêmes idées, tout en respectant apparemment la philosophie de son mari, jusqu'à son conseiller lui-même, véritable bras droit ou homme de confiance, semblant aussi en accord sans être tout à fait convaincu non plus...
Le déroulement des événements qui s'accumuleront autour de ce couple chic et élégant, et par ricoché autour de leur entreprise, en s'opposant au projet d'expansion qui leur tient à cœur, va apporter une épaisseur, une tension extrême et un malaise qui vont aller crescendo, en nous révélant toute l'ambivalence de l'espèce humaine, toute l'ambiguïté des décisions à prendre envers et contre tout...
On est alors complètement embarqué dans la spirale infernale qui enferme Abel fabuleusement interprété par Oscar Isaac, tout en étudiant ce personnage avec beaucoup d'acuité, en prenant en compte ses contradictions, ses faiblesses pour réaliser que lui-même fait tout pour se persuader de sa loyauté et de son intégrité, alors que tout finira par n'être qu'une simple façade...
C'est bien toute cette démonstration qui captivera le spectateur...
En effet, comme le bon élève qui réussit toujours en se vantant de ne rien faire, Abel Morales ressemble bien à ce patron paternaliste et attentionné avec ses employés, au dessus de tout soupçon, qui lui aussi réussit alors que les chemins empruntés ne sont pas aussi innocents qu'il n'y paraît.
Et comme il l'expliquera lui-même à cet inspecteur de police bien encombrant : "Le tout est de prendre le chemin le plus droit possible parmi d'autres" !
Car c'est grâce à de petits détails bien révélateurs que nous sommes petit à petit renseignés sur la démarche et les vrais sentiments d'Abel, qui sera amené à évoluer, à changer de cap pour s'adapter aux difficultés et aux situations qui se présenteront à lui, jusqu'à la fin d'une cruauté terrible quant à sa véritable apparence !
Pour nous combler complètement, on est gâté jusqu'au bout par l'atmosphère toute en nuance, toute en subtilité et raffinement, aussi bien dans la peinture des personnages impeccables dont rien que les manteaux de nos deux héros resteront une image forte et symbolique, que dans la photographie d'une grande beauté sur des paysages de New York, de son urbanité et de ses friches industrielles !
À la fois puissant et tout en douceur, sombre et lumineux, intelligent et instructif, ce film bien loin du mythique rêve américain, est une vraie révélation sur le monde des affaires et de la finance, de tous ces hommes qui le représentent, patrons, dirigeants,... devenus très riches dont le parcours et l'avancée cachent bien des zones d'ombre...
Ce reflet d'une Amérique désenchantée et déshumanisée où ne compte que le profit, est tout simplement édifiant, d'autant plus que le reste de la planète suit ce mouvement aveuglément !
Un vrai phénomène que cette réalisation magistrale de J.C. Chandor telle une main de fer féroce et rusée, glissée dans un fort beau gant de velours !