"La French" est un film que j'attendais avec grande impatience depuis l'annonce de sa sortie. Ce n'est plus un secret pour personne, je suis fana de films de gangster. Et "La French", coup de projecteur utile et efficace sur l'organisation de la French Connection, était une aubaine pour moi, en cette année où le genre gangster/policier était assez sinistré. J'ai naturellement mater la bande-annonce (en même temps t'es obligé quand tu vas souvent au cinéma) et là, boum, le choc, la claque, ce film, il était pour moi ! Des films sur le milieux marseillais il y en a eu peu ; en fait le dernier long vraiment marquant sur ce sujet remonte à 1970 (!), avec "Borsalino", qui réunit à l'époque deux monstres du cinoche français : Delon et Belmondo. Mais "La French" est bien plus qu'un "film sur le milieu marseillais", c'est une aventure humaine, un polar palpitant, et un grand moment de cinéma. Tout comme Delon et Bebel en leur temps, Dujardin et Lellouche s'affrontent avec une verve et une finesse incroyable, tirant de leurs jeux un charisme et une puissance monstrueuse. Le premier, naturel et tout en retenu force le respect de par la complexité de son personnage et de son interprétation, splendide sinon éloignée de la réalité. Le second, sombre et imposant, subjugue grâce, sans doutes, à la qualité de sa composition d'un personnage bourré de nuances (Zampa était violent mais intelligent, corrompu mais généreux, bref une ordure mais pas finie !). Les seconds rôles sont tous impeccables, allant de Céline Sallette (la femme du juge Michel) à Mélanie Doutey (la femme de Gaëtan 'Tany' Zampa), en passant par Benoît Magimel (impressionnant Le Fou), Guillaume Gouix et Bruno Todeschini. Là où le film de Jimenez fait très fort aussi, c'est dans la reconstitution du Marseille des années 70. Ce-dernier n'oublie rien, ou plutôt, pense à tout ! Que ce soit les véhicules, la mode vestimentaire, le style des maisons/immeubles, les décos intérieures et extérieures, les boîtes de nuit, les bars, les images télés.. etc etc ! Si ce film fait preuve d'un mimétisme fou dans la reconstitution historique, ce n'est pas la même chose dans la reconstitution des faits. En effet, Jimenez a pris beaucoup de liberté par rapport à la réalité, ce qui a déclenché il y a quelques jours la fureur de la famille du juge Michel. Qui, dans un communiqué de presse affirmait n'avoir jamais "validé" le scénario... Mais à vrai dire, on s'en fiche ! Je veux dire, il est normal que dans un film construit à partir de faits réels, les réalisateurs et scénaristes choisissent d'évincer certains détails, ou d'en rajouter d'autres... Qu'ils décident parfois de romancer un peu l'histoire (originelle) n'a rien de grave ni de choquant, puisque c'est ce que font tous les artistes lors de la réalisation d'un biopic (ou d'un film tiré d'une histoire vraie). Mais ce bref coup médiatique mal attentionné ne nous intéresse pas... Outre un polar magistral, "La French" expose au grand jour les dessous de la French Connection, présentant ses différents activistes, ses méthodes de fabrication et d'exportation de drogue, et les répercussions que le trafic a sur les populations (overdoses, délinquances...). Le film surfe en plus sur des influences cinématographiques américaines délicieusement revendiquées, comme "Heat" de Michael Mann, "Le Parrain" de Coppola ou "Les Affranchis" de Scorsese, tous trois sommets du genre. Mais le film marche aussi sur les traces du polar français 70's, style remarquable dans la mise en scène et la photographie. La musique, simple mais très présente, accompagne avec brio les péripéties des différents personnages, les menant parfois - avec l'aide de la mise en scène - à des destins tragiques... Conclusion, Cédric Jimenez réussit, pour son deuxième film, un franc coup de maître, un film de gangster puissant et passionnant qui figure dès maintenant parmi les meilleurs polars français (c'est peu dire), et qui restera dans les annales pour la virtuosité dont il fait preuve pour parler d'un héros de l'ombre hors du commun et de son combat acharné pour le bien et la justice. Je suis sorti de la salle émoustillé, et conscient d'avoir vu un grand film, humain et précieux. Pour moi : le meilleur film français de l'année.