Avec son sujet passionnant et son superbe casting de stars françaises au top, La French était sans doute le film français que j’attendais le plus de l’année. Polar seventies comme nous savons si bien les réaliser en France, ayons une pensé pour l’excellent diptyque sur Mesrine de Jean-François Richet dernière grande réussite en date, La French est au final un bon film de gangsters mais qui n’est malheureusement pas le grand polar que j’attendais et qui allait s’inscrire comme l’un des meilleurs que l’on est vu dans le cinéma français. Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, occupe le poste de juge des mineurs et est vite promu juge du grand banditisme. Il décide donc de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte de l’héroïne dans le monde entier et notamment aux Etats-Unis. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan « Tany » Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes. Pour commencer on peut remarquer que dans le cinéma, peu de films ont traité de la French Connection, ce réseau mafieux appelé ainsi pour désigner la totalité des acteurs qui participa à l’exportation d’héroïne vers les Etats-Unis depuis la France. Hormis le diptyque intitulé tout simplement French Connection avec Gene Hackman comme acteur principal et dont le premier film est réalisé par William Friedkin et qui fut notamment récompensé de cinq Oscars, aucun autre film, américain ou français, n’a traité de ce sujet très intéressant et qui possède un vrai potentiel de cinéma de gangsters et de mafia. Et donc l’excellente idée qu’a eu le réalisateur Cédric Jimenez et sa scénariste Audrey Diwan, qui n’est autre que la femme du réalisateur et qui ont écrit le scénario de La French ensemble, a été de consacrer un film entier au combat qu’a mené le célèbre juge d’instruction Pierre Michel durant la fin des années 1970 contre la French Connection jusqu’à son assassinat le 21 octobre 1981 par la mafia marseillaise. Seulement traité dans un téléfilm qui fut diffusé trois ans après l’assassinat du juge, aucun film n’avait jusqu’à présent traiter de ce sujet qui prêtait vraiment à faire un grand film de gangsters pour rendre hommage à cet homme courageux et à tous ceux qui ont combattu la French Connection avec lui. Et il est vrai que j’ai tout de suite été intéressé par ce projet qui avait pour ambition d’adapter des faits réels sur la mafia de Marseille des années 1970 et surtout de porter à l’écran le combat et le destin tragique du juge Michel, une histoire très connue dans la ville de Marseille mais que beaucoup de personnes, n’habitant pas dans la cité phocéenne ou ne connaissant pas la French Connection, devaient ignorer ou qui ne connaissaient que le tristement célèbre assassinat du juge. Et ce qui m’a encouragé à vraiment attendre ce film c’est aussi parce que ce n’est autre que Jean Dujardin, acteur français génial, oscarisé pour The Artist, pote de George Clooney et qui est par ailleurs mon acteur français préféré, qui allait interpréter le juge Michel et Gilles Lellouche, de son côté, qui se glissait dans la peau de Gaëtan « Tany » Zampa, parrain de la pègre de Marseille à cette époque. Jusque-là, La French avait tout pour être un très bon polar du cinéma français grâce à son sujet fort passionnant et à son casting très alléchant. Et c’est là que sont arrivées les bandes-annonces, de petites claques de quelques minutes sous le son de Bang Bang de Sheila et qui promettaient un très grand polar à la française où l’ambiance des années 1970 semblait parfaitement respectée, la reconstitution du Marseille de ces années-là vraiment saisissante, avec des scènes d’action intenses et un face à face d’acteurs digne de duels de légende comme Belmondo vs Delon ou Ventura ou encore Pacino vs De Niro. Mais une fois avoir vu le film on a quand même un petit sentiment de déception car ce fameux grand polar que l’on fantasmait tant devant les trailers n’est pas totalement là car possédant quelques défauts qui nuisent à sa qualité qui elle est heureusement belle et bien présente. D’abord commençons par les points positifs. Ce que l’on peut retenir en premier lieu de La French c’est qu’il s’agit d’un film solide tout à fait prenant de bout en bout où nous suivons avec intérêt la lutte du juge Michel contre la French Connection. Le film possède une certaine tension, d’abord par le face à face entre le juge et le parrain marseillais qui se font la guerre indirectement, mais aussi par les scènes de rythme vraiment très bien réalisées en caméra à l’épaule, que je trouve très appropriée à ce film, comme les quelques poursuites, arrestations de criminels et autres dealers, les fusillades sous forme de règlements de comptes sanglants ou les assauts menés par le juge Michel et son équipe contre les laboratoires d’héroïne. Le scénario est donc très intéressant car s’inspirant d’affaires réels mais aussi s’éloignant librement de la réalité jusqu’à imaginer une rencontre entre Pierre Michel et Gaëtan Zampa, un face à face digne des plus grands films de gangsters des années 1970. Et là où le film est vraiment gagnant selon moi c’est dans sa reconstitution de ces années 1970 purement cinématographique et qui est une des périodes les plus appréciées dans le cinéma avec les voitures de l’époque, les costumes à cravates, les rouflaquettes, l’image du film un peu vieillit, la musique, les discothèques et l’ambiance générale très excitante. Et Cédric Jimenez à très bien utilisé son budget de 21 millions d’euros pour recréer le Marseille au temps de la French Connection où la ville est utilisée comme un personnage à part entière et le réalisateur montre parfaitement cette image de « capitale du crime » en France et même dans le monde où se déchaînent règlements de comptes sanglants entre mafieux, trafics de drogue, rackets et sans doute prostitution, même si le film ne l’aborde pas. Ensuite, grâce à se parfaite reconstitution, l’ambiance seventies du film est accentuée par une excellente bande-originale qui se compose de nombreux morceaux des années 1970 qui viennent dynamiser le film, par exemple le tout début est très bien fait notamment grâce à la musique qui l’accompagne et comme beaucoup d’autres moments du long-métrage. Finalement, quand on y pense, on peut voir que le réalisateur Cédric Jimenez s’est peut-être inspiré de grands réalisateurs qui se sont illustrés avec succès dans le genre du polar de gangsters comme Francis Ford Coppola avec sa trilogie du Parrain, Brian De Palma avec son Scarface ou Martin Scorsese et ses Infiltrés, une inspiration que l’on retrouve dans l’utilisation de la musique ou l’intensité des scènes d’action. On peut percevoir une volonté de faire américain dans La French avec son efficacité, sa reconstitution, sa bande-originale et son histoire de gangsters mais le film réussit à ne pas entrer dans cette américanisation du genre avec plein de scènes d’action et une profusion de violence et s’inscrit donc parfaitement dans le cinéma français grâce à son ambiance marseillaise et son style classique. Car si le film est aussi efficace c’est qu’il s’attarde plus au caractère psychologique de ses personnages et prend la forme d’un drame humain qu’à la French Connection elle-même en ne devenant pas un simple thriller sur le monde de la drogue et de la mafia. On nous dresse les portraits d’hommes complexes en leur donnant des caractéristiques propres, le juge courageux possédant un côté obscur symbolisé par son addiction au jeu, élément scénaristique purement inventé et que dénonce la famille Michel comme pure invention, et le parrain marseillais violent qui se montre et se dit comme un patriarche qui fait vivre sa famille et les gens qui travaillent pour lui. Et enfin pour terminer sur la qualité du film, évoquons son très bon casting. Jean Dujardin dans le rôle du juge Michel est y très à l’aise, je m’attendais quand même à une prestation vraiment parfaite sur tous les bords comme étant l’un des rôles de sa vie mais le problème c’est que par moment l’acteur dit quelques répliques ironiques ou avec des connotations comiques qui font qu’on voit plus le Jean Dujardin comique que dramatique mais sinon, hormis ce petit défaut, l’acteur est très bon dans son rôle, montre bien le côté déterminé et obsédé d’un homme qui veut à tout prix contrecarrer les plans du parrain de la pègre de Marseille. Certaines scènes avec l’acteur sont vraiment très bonnes comme celle du début avec une jeune fille accroc à la drogue ou la scène de la cabine téléphonique qui montre tout le talent dramatique de Jean Dujardin. Ensuite l’acteur qui volerait presque la vedette à Dujardin n’est autre que son meilleur ami dans la vie qu’est Gilles Lellouche qui joue Gaëtan Zampa, le parrain tout puissant de la mafia de Marseille. Dans ce personnage impulsif, imposant, classe et violent, Gilles Lellouche est vraiment parfait, il à la tête de l’emploi il faut le dire, et s’efface derrière cette figure de mafieux pendant plus de deux heures de film sans jamais sortir de son personnage. Parfois c’est à ça qu’on reconnait les bons acteurs, c’est quand on ne les voit plus et qu’on ne voit que le personnage qu’ils incarnent à l’écran, prenons l’exemple de Vincent Cassel dans le diptyque sur Jacques Mesrine où l’acteur disparaît totalement derrière ce personnage d’ennemi public n°1 pour qu’on ne voit plus que lui et pas Cassel. Avec Gilles Lellouche dans La French c’est pareille, on ne voit que Gaëtan « Tany » Zampa. Après le film possède de très bon seconds rôles, très justes, comme Céline Sallette dans le rôle de Jacqueline Michel, Mélanie Doutey, ex-compagne à la ville de Gilles Lellouche, qui joue ici Christiane Zampa, Benoît Magimel qui interprète Le Fou, malfrat violent, dans lequel Magimel y est très bon même si selon moi il exagère un peu l’accent marseillais, et enfin il y a Guillaume Gouix que j’ai bien aimé dans son rôle de flic français fidèle au juge Michel dans ses actions contre la pègre de Marseille. Maintenant passons aux aspects négatifs du film, peu nombreux mais qui m’ont permis d’être un peu déçus sur le film en général. Quand on regarde les bandes-annonces on s’attend en effet à avoir un polar très rythmé et plein de suspense mais finalement j’ai trouvé que le film manquait de rythme par moment et aussi d’un certain suspense pour accentuer la tension entre le juge et la mafia qu’il combat. Le film est donc plus lent que je ne le pensais mais il est donc à revoir car maintenant que j’ai connaissance du rythme et du déroulement de l’intrigue, j’apprécierais sans doute plus La French. Après, hormis les quelques blagues de Dujardin qui le font sortir quelques secondes de son personnage et l’exagération de l’accent marseillais par certains acteurs, La French est vraiment du bon cinéma français, avec une très belle reconstitution des années 1970 et du Marseille de la French Connection où les acteurs sont tous très bon dans leur rôle et contribue à la réussite de ce biopic qui prend tout de même des libertés avec la réalité mais qui rend un certain hommage au juge Michel et à ses hommes qui ont combattu le trafic de drogue, le tout symbolisé par une très belle image finale. La French est donc un bon film que je recommande et qui est à voir au moins une fois ne serait-ce que pour connaître l’histoire du juge Michel mais aussi de la mafia marseillaise, car il n’y a pas qu’aux Etats-Unis qu’on retrouve du trafic de drogue et des règlements de comptes, il y en a partout, dont en France, comme nous le montre très bien et avec réalisme le film de Cédric Jimenez.