C'est "chez nous" que ce film de Cédric Jimenez été projeté en avant-première. Logique puisque ÇA s'est passé près de chez nous...
Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.
Nous avons vécu cette époque pas si lointaine, nous avons été marquées par la photo de la moto à terre du juge Michel sur le Boulevard Michelet non loin de l'immeuble Le Corbusier. Nous avons bien sûr vu "French Connection", le film de William Friedkin avec Gene Hackmann et Roy Schneider qui démontre l'énormité de cet empire criminel basé sur le racket, le proxénétisme et le trafic de drogue.
Disons tout de suite que "La French" est une réussite. C'est un très bon "réality-polar", qui nous remet dans l'ambiance des années 70, on y fume beaucoup et les portables n'existaient pas encore. Marseille était alors la capitale mondiale du trafic de l’héroïne. Tout ceci fut possible parce que la politique et la police étaient en partie corrompues, le milieu avait réussi à pénétrer, telle la fameuse pieuvre mafieuse, toutes les sphères de la ville. Il n'y a pas de véritable suspens, on connait l'issue, bien que le film se permette des libertés avec les faits réels. L'intérêt du film est dans l'action certes, mais surtout dans la découverte des deux principaux personnages.
L'action tourne autour de deux héros : le juge et le truand, deux fortes personnalités qui se retrouvent dans un face à face tragique. L'un met tout en œuvre pour combattre le parrain, quitte à bousculer le protocole classique, parfois seul face à la hiérarchie, et l'autre est le mafieux qui semble intouchable. Deux hommes que tout oppose, mais qui se ressemblent dans leur vie de famille, pères et époux aimants. Les portraits sont nuancés et ne tombent jamais dans la caricature. Jean Dujardin incarne ce juge passionné plus que crédible, et Gilles Lelouche a le regard d'un homme capable de tout pour arriver à ses fins. Mais il faut aussi citer Benoît Magimel, Céline Salette, Mélanie Doutey, et tous les autres, tous parfaits dans leur rôle.
On peut reprocher à ce jeune metteur en scène de rester dans la lignée des films américains, on pense aux "Affranchis" de Scorsese, on pense à "Heat" de Michael Mann, mais il semble assumer ces influences. Nous avons apprécié la sobriété relative de la mise en scène, pas trop d'hémoglobine, pas trop de violence, loin de Scorsese justement, ni même de violence gratuite comme dans le cinéma actuel.
La photo est très soignée, elle montre la ville et ses environs dans leur beauté naturelle et met encore davantage en relief l'ambiance sale qui y régnait alors. Cette beauté du site fait partie du scénario, elle souligne l'image de carte postale de Marseille et ses clichés. Les répliques sont parfois drôles et on retrouve bien le sens de la répartie imagée des Marseillais : "...se faire arrêter pour un saucisson"...
C'est une belle reconstitution d'une époque de grand banditisme, un film à voir !