Adapté d'un roman de Larry Brown, Joe s'inscrit dans la lignée de films récents comme Mud ou Les Bêtes du Sud sauvage, en offrant une vision du Deep South US marquée par une pauvreté chaotique et par une violence quasi ontologique. Une violence toujours prête à exploser, que le personnage central du film, Joe, tente de dompter comme il peut, en picolant ou en allant au bordel. Le réalisateur David Gordon Green, qui avait déjà fait du Texas le cadre de son précédent film, Prince of Texas, plonge franchement dans cette Amérique profonde, brute et brutale, voire sordide, une Amérique en marge du classique american way of life, une Amérique peuplée de laissés pour compte, d'épaves en tout genre. Ce tableau social fait l'intérêt du film. On ajoutera aussi au rayon des qualités le style visuel, de bonne facture, et l'interprétation des trois acteurs principaux : Nicolas Cage, qui navigue toujours de façon déroutante entre films d'auteurs indépendants et nanars hollywoodiens ; Tye Sheridan (The Tree of Life, Mud), figure montante dont le nom apparaît sur l'affiche au même niveau et à la même taille que celui de Nicolas Cage (c'est étonnant quand même) ; et Gary Poulter (dans le rôle du père), acteur non professionnel, vrai vagabond, décédé alors que le film était encore en postproduction.
Malgré ces atouts, le film peine à convaincre. La faute au scénario. Et surtout à la façon de conduire le récit. L'opposition entre l'innocence et le mal, les thématiques de la compassion, de la transmission et de la rédemption, le dédoublement de la relation père/fils, tout est un peu trop appuyé, démonstratif et prévisible. Ça manque globalement de subtilité, peut-être aussi d'ambiguïté, pour émouvoir ou surprendre vraiment. Bref, à trop afficher ses intentions (aussi bonnes soient-elles) et à trop scrupuleusement les concrétiser, le réalisateur accouche finalement d'un drame convenu et, en cela, un poil décevant.