Ca faisait un bon moment qu'on l'avait perdu de vue, l'allumé le plus génial du cinéma américain. Tiens, je peux situer l'année où je l'ai abandonné: 1999, A tombeau ouvert qui, entre parenthèses, est aussi le dernier film scorcesien de Scorcèse..... Après, le grand Martin a fait du commercial, du bon commercial mais sans génie, et Nicolas s'est perdu dans des nouillarderies.
Le film de David Gordon Green se passe au trou du cul du monde, dans le cloaque de l'humanité. Nicolas Cage interprète Joe, patron d'une entreprise de forestiers. Son équipe est occupée à un très étrange job qui consiste à entailler le tronc, ensuite à déverser dans les entailles une sale potion, l'arbre meurt de lui même, on n'a plus qu'à l'abattre. Jamais entendu parler de cela. A mon avis, ça ne doit pas être très écologique -ni très autorisé. Joe est un type réglo, un bon patron, et aussi un solitaire. Une petite copine de passage n'y résiste pas. En fait, il préfère passer un quart d'heure avec les dames de la maison locale (je ne sais pas où ça a été tourné, dans le Sud en tous cas, mais plus bouseux, ça n'existe pas). Son seul problème: il se met facilement en rogne. Surtout quand il a bu. Et il n'aime pas les flics, suite à une sombre histoire de nénette qu'il aurait piquée à l'un d'entre eux. Surtout quand il a bu. Et il boit quand même beaucoup. Vous imaginez comme Cage peut être bon dans ce registre.
Une famille arrive dans la région et squatte une bicoque. Le père, Wade (hallucinante composition de Gary Poulter; il est mort à la fin du film, il aurait pourtant bien mérité un Oscar!) est un alcoolique, une brute méchante et vicieuse, un salopard comme le cinéma en a rarement montré. Son fils de 15 ans, Gary, (Tye Sheridan vu dans Mud), se fait embaucher par Joe. Et celui ci, petit à petit, va s'attacher à ce gamin courageux, qui a réussi à se tenir droit malgré son épouvantable géniteur, et qui reste pour protéger sa mère et sa sœur, dont on n'aperçoit que les silhouettes, enfermées dans la bicoque, à fumer. Sa sœur devenue subitement muette, on imagine ce qu'elle a pu subir.
Ajoutons qu'il y a un autre affreux dans les parages, Willie (Ronnie Gene Blevins), encore une brute au visage couturé qui déteste Joe depuis toujours. Tous ces gens là sont plus mauvais que les American Terriers qui gardent leurs maisons..
C'est dur, c'est âpre, c'est violent, extraordinairement noir. Filmé nerveusement, crûment. Et pourtant, cela se termine que des images apaisées; de superbes images de forêt, à l'image du destin apaisé du courageux Gary.
A voir absolument quand on aime le vrai cinéma américain.