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Joe, également sortie en 2013 aux Etats-Unis, prouve alors la totale reprise du réalisateur à ses premiers élans de metteur en scène ; très proche d’Undertow (L’autre rive en VF) qui nous avait déjà éclaboussé avec la même force il y a quelques années. Toujours emprunt d’une tragédie et d’une noirceur qui forment l’identité même de ses premiers longs-métrages. Porté par un regard d’une Amérique forte de ces mythes ancestraux, définis par sa ruralité et les hommes qui composent ce paysage social, ce cinéma de David Gordon Green transpire l’Amérique white trash, dans ce qu’elle a de plus brute mais également de plus pure. Il est difficile, sinon impossible, de faire le lien avec les comédies qu’il a bâtit précédemment tant le fossé semble immense entre les deux genres.
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Quant à Nicolas Cage, il s’imprègne dans l’écrin de son personnage pour l’emmener au plus profond d’une noirceur nécessaire, où la misère humaine est ici présente comme un acte de grâce avant un dernier jugement. Fabuleuse bête humaine aux élans paternels nécessaires à sa survie, entre alcool et sexe. Qui de mieux pour incarner ce personnage que Nicolas Cage qui dans un état de grâce, proche de ce que le comédien avait livré dans Leaving Las Vegas rend une interprétation parfaite et récupère beaucoup de crédit à la vue de ses derniers films, si ce dernier est bien dirigé, contrôlé.
En tant que fils de substitution, Tye Sheridan (The Tree of Life, Mud !! peu de hasard) joue encore une partition vibrante de naturelle et confirme que le crédit qu’on lui accorde depuis quelques années est justifié, et tend à se confirmer film après film. Seule colonne vertébrale du film, leur relation sert de d’arche narrative qui dans un parfait équilibre d’écriture narre à jeu égal le parcours d’un fils qui doit survivre au cœur d’une famille détruite socialement, et celui d’un homme en pleine rédemption.
Et la puissance que dégage Joe dans un parfait équilibre d’écriture et de mise en scène est parfaitement relevée par l’éternel chef opérateur de David Gordon Green, Tim Orr, qui parsème le film d’une photo sublime du premier au dernier plan.
Mais Joe est surtout la parfaite réussite d’une fable brutale et poétique qui ne peut trouver son salut qu’en se consumant de l’intérieur, en faisant parcourir à ses principaux personnages (n’oublions Gary Poulter dans un rôle magistral) un chemin de croix, où chacun doit renaître dans la violence, psychologique et physique, après avoir parcouru de nombreux ravages.
Si les films sur la rédemption sont légion, ici, c’est de manière abrasive et réaliste que Joe s’impose comme une ouverture positive d’un monde en feu, désespéré, qui ne renaîtra que de ses cendres. (...)