Tout est dit (ou plutôt suggéré) dans le titre de ce film d'Isabelle Czajka! Dans "la vie domestique", il y a le mot "domestique" qui d'adjectif peut devenir substantif et prendre le sens de "larbin". Mais ce sont les femmes qui ont le rôle de "larbins": à elles la charge de la maison, son entretien, le souci et la préparation des repas, les courses à faire, le soin des enfants, etc., etc.
Rien d'extraordinaire dans ce film, sinon la vie banale de quelques femmes vivant dans une banlieue résidentielle de la région parisienne. 24 heures de la vie de Juliette (Emmanuelle Devos, impeccable comme toujours) et de ses amies, de leurs vies si remplies, si trépidantes, qu'on se demande comment elles tiennent le coup ou ne sombrent pas dans la dépression. Juliette qui ne se satisfait pas cependant de son sort, qui voudrait décrocher un emploi dans une maison d'édition. Juliette qui trouve néanmoins l'énergie de donner un peu de son temps à des lycéennes en difficulté scolaire, ce qui donne lieu à une scène amusante qui rappelle le beau film de Laurent Cantet, "Entre les murs". Juliette qui emmène ses enfants à l'école et qui se soucie de leur trouver une baby-sitter quand c'est nécessaire. Juliette qui retrouve une ancienne connaissance perdue de vue et qui l'invite à dîner. Et Juliette qui s'active à la cuisine afin de bien recevoir ses invités. On n'en finirait pas d'énumérer tout ce que fait Juliette (et ce que font ses amies).
Tout cela paraît tellement banal qu'on se demande pourquoi ce film a tant de charme, pourquoi il captive à ce point. Cela s'explique bien entendu par plusieurs facteurs qui, mis ensemble, forment un film d'excellence: la grâce de la mise en scène, le talent indéniable des actrices et la qualité des dialogues (superbement écrits!).
Mais une question nous vient tout naturellement à l'esprit: et les hommes dans tout ça? Où sont les hommes et que font-ils? N'ont-ils donc pas leur place dans la vie domestique? Il faut l'admettre, ils sont grandement absents! La faute à leur travail, certes! Mais quand ils rentrent à la maison, comment se comportent-ils? Ne vont-ils pas soulager leur épouse et prendre leur part des tâches domestiques? Aïe, aïe, aïe! La vérité, c'est qu'ils sont tire-au-flanc. Ils se bâfrent de nourriture et leurs propos sont le plus souvent triviaux, voire carrément stupides!
Isabelle Czajka a réalisé avec "La vie domestique" un film qu'on peut qualifier de féministe, à condition de donner à ce mot son sens le plus noble, à condition de le faire sonner comme un hommage rendu à ces femmes, épouses et mères, dont les vies sont si pleines et si fatigantes, mais qui risquent de se perdre, si l'on n'y prend garde, dans la vacuité ou dans l'"à quoi bon". 8/10