Le film est passionnant d'abord parce qu'il pose un regard sur ce qui est un angle mort en termes de représentation sociale et artistique et pose la question très intrigante : que font donc celles qui ne font rien ? Ce que montre le film, c'est un entre-deux sociologique, une middle class de banlieue assez aisée, sans plus. Bref, un fragment de réalité très américaine transplanté dans la France périphérique, la description de Desperate Housewives franciliennes. Le quotidien millimétré de ce microcosme vient à être troublé par l'incursion d'un mystérieux fait divers, qui plane de loin en loin sur le film. Étonnant en ce qu'il provoque une rupture tonale, il agit comme un micro-récit, un film dans le film qui attise la curiosité des personnages comme des spectateurs, tous excités par la même frustration voyeuriste, mise au carré pour le spectateur déjà voyeur de leur "vie domestique". Ce point de fuite inquiétant, rappelant le réel sordide derrière le vernis, n'éloigne toutefois pas le film de son sujet.
Si le film est si réussi, c'est qu'il trouve le ton juste, ni condescendant ni indulgent, dont l'acide est d'autant plus violent que très subtil. La démonstration réside par ailleurs dans sa structure : vingt-quatre heures dans la vie de Juliette, évoquant très vite Mrs. Dalloway. Cette journée, possible renaissance sociale pour Juliette, va être filmée comme un thriller, tout en suspens, attentes, péripéties et rebondissements, en outre plastiquement très beau. La journée est cristallisée par l'entretien d'embauche qu'attend Juliette pour devenir éditrice, et parallèlement rythmée par les préparatifs d'une soirée improvisée par la rencontre de trois voisines. Ces quatre femmes s'individualisent, comme autant de facettes possibles de la femme au foyer et gardent toute une part de mystère irréductible aux stéréotypes. Où est le mari d'Inès ? Pourquoi Marianne, qui représente la fuite possible vers l'ailleurs et l’ouverture au monde, a-t-elle renoncé à sa carrière ? Que pleure Betty : la mort de sa grand-mère ou de son canapé ? La scène de dialogue entre Juliette et sa mère, Marie-Christine Barrault, est un modèle d'écriture foudroyant. Les maris sont eux attaqués à différents niveaux : absents, régressifs, incapables de la moindre initiative domestique et pour finir interchangeables comme le montre la scène de l’échange de manteau. Si toutes les comédiennes sont très convaincantes, le film est porté par Emmanuelle Devos qui après Le temps de l'aventure continue d'irradier le cinéma français. Tour à tour drôle et émouvante, elle livre une composition poignante, qui suit le spectateur sur le long cours.