Par quel prisme prendre cette fable envoûtante de Benh Zeitlin : celui de cet élan imaginaire où famille et écologie prennent un sens particulier ? Ou celui de cette vision féerique et enfantine d'un monde dur et insaisissable ? Ce qui est sûr, c'est que *Les Bêtes du Sud sauvage* restera un moment de cinéma innovant, nous transportant vers un environnement différent et brut. Que le récit nous conquis complètement ou nous laisse sur notre faim, le premier long-métrage de Benh Zeitlin restera indéniablement un moment épique et émouvant qui amènera de la belle végétation pour colorer encore plus ces dernières années de cinéma !
Adapté de la pièce *Juicy and Delicious* de Lucy Alibar (qui est d'ailleurs co-scénariste du film), *Les Bêtes du Sud sauvage* nous entraîne dans une nature luxuriante au cœur de la Louisiane aux côtés de Hushpuppy : une jeune fille vivant avec son père et d'autres marginaux au sein de ce grand bayou ! Leurs vie se résume à la chasse, à l'amélioration du camp et à la féerie de l’atmosphère libre et envoûtante de la nature vaseuse. Mais les catastrophes naturelles et la surveillance perpétuel du lieu par les autorités entraîne la petite communauté à devoir bientôt préparer ses valises.
Cette épopée sauvage prend sa place dans un monde moderne, qui est le nôtre. Ces tréfonds végétales de la Louisiane filmés à hauteur d'enfant par Benh Zeitlin peuvent êtres alors considérés comme une nature perdues ou une nature intacte ? Au cœur de cette communauté au style de vie épicurien, l'humain est replacé à sa place la plus naturelle : un animal parmi tant d'autres survivant de ces talents de chasseurs. Des bêtes joyeuses et festives comptants sur la pêche et leurs cultures pour survivre et atteindre la plénitude la plus totale. Mais le monde extérieur ne les à quand même pas oubliés : mobile-home vétuste, alcool, boite de conserve ... la vie d'ici est assistée certes, mais elle tire un certain langage primitif et bestiale où joie et bonheur font oublié une certaine misère sociale. La nature revient à sa nécessité primaire et ramène cette communauté marginale à l’essence de la vie humaine. Mais les regards qui se portent en bordure de forêt croisent à coup sûr la route de ceux des industries destructrices, telle une malédiction évidente de notre époque ! Comptant sur la fumée de ses usines pour s’élever encore plus, le monde moderne n'a pas laissé de marbre cet environnement luxuriant et tranquille de Louisiane. Et au-delà des autorités qui terrassent les lieux pour évacuer les résidents, ce sont les catastrophes naturelles qui noient au fur et à mesure ces bêtes du sud sauvage. Réchauffement climatique et asphyxie d'un autre monde sont les clefs d'une dégradation notable d'un espace végétal et tranquille. **C'est une nature intacte dans les pensées et une nature perdue dans le constat. Hushpuppy contemple ces contradictions du haut de sa petite taille au rythme d'une compréhension mouvementée de la vie et d'une cellule familiale folle et radicale.**
Un père fou, alcoolique, malade et attaché à ses terres se retrouve comme seul modèle pour Hushpuppy. Nous avons alors affaire à une jeune fille indéniablement forte et débrouillarde dont les horizons futurs sont déjà tracés par les yeux fatigués du père : reprendre la tête de la communauté et les sauver d'une conversion moderne presque inévitable. Ce rapport père-fille est à la fois comme contradictoire tant la brutalité de l'homme s'oppose à l’insouciance et la tranquillité de la petite fille. Mais il s’avère aussi complice à l'image de cette détermination commune et de cette bestialité rappelant l'identité principale de cette vie au plus proche de la nature. Un extrait de l'imagination débordante de Hushpoppy : une idéalisation de sa mère partie trop tôt ! Une femme forte, magicienne et aimante dont l'absence marque surement une des pierres manquantes pouvant apporter l'équilibre à cette famille tantôt brisée et tantôt soudée. **Ce quotidien et cette violence des rapports et du constat de la vie se matérialise dans une mise en scène visuelle et sensorielle comme tout droit tirée du cinéma de Terrence Malick. *Les Bêtes du Sud sauvage* travaille de manière intimiste ces rapports jusqu’à connecter les êtres entre eux tel ces écoutes perpétuelles des battements du cœur. Benh Zeitlin revient à la conception naturelle pour sublimer cette fable !**
En plus de s'être emparé de la Caméra d'or lors du festival de Cannes 2012, *Les Bêtes du Sud sauvage* s'est aussi emparé d'une liberté sauvage longtemps enfouie. Au-delà du concret écologique, le film enflamme sa fable végétale d'un imaginaire construit sur l'étude, à hauteur d'enfant, de la vie et la quête perpétuelle d'une force pouvant enfin libérer la petite Hushpuppy de la tranquillité de l'enfance et faire face à ça véritable force donnée par sa mère !