Les bêtes du sud sauvage, un film indépendant, un vrai pour le coup, qui aura connu un succès critique retentissant, allant même jusqu’au Oscars, concourir pour la statuette de meilleur film et meilleur réalisateur, entre autre-chose. Oui, les oubliés, les sinistrés, les déshérités, peuple de sauvages séparés de la civilisation, des gens les pieds aux sec, par une énorme digue, un mur. C’est là que vit l’enfant Ushpuppy, auprès de son père, fou de son état, s’ennuyant d’une mère disparue, craintive des forces de la nature, des conséquences d’actes irréversibles sur l’environnement, sur son monde à elle. Benh Zeitlin nous emmène sur des sentiers semés d’embûches, glissant, si bien qu’une partie du public aura lâché la petite frisée, le cinéaste et sa poésie, bien avant d’avoir franchi le cap de l’heure de visionnage. C’est, il est vrai, un peu mon cas.
C’est malgré tout charmé par des images sublimes, illustrant souvent la misère, et quelques belles phrases, touchantes, que je suis resté captivé jusqu’à la fin. Curieux de connaître les aboutissants d’un tel travail, décharné, complexe et très personnel, j’aurai franchi le cap de l’agacement, de l’ennui, pour percer le mystère, par curiosité. L’essence même du film se trouve dans la poétique, dans l’imaginaire d’un cinéaste marginal qui tente de constituer un récit à l’aide de morceaux irrationnels, parvenant même parfois à émouvoir, je dis bien parfois. Oui, bon nombre seront resté bouche bée devant la naïveté de l’enfant, ses mignonnes prises de tête, ses mimiques drôles ou touchantes. J’ai pour ma part été plutôt intrigué par l’univers, les décors, filmés par Zeitlin, l’enfant actrice n’ayant été qu’un être chaleureux dans un univers captivant.
Drôle de film, oui, c’est sans doute cela qui aura poussé les inconditionnels d’un cinéma néo-idéo-indépendant à promouvoir celui-ci auprès du grand public. Si l’on apprécie certaines séquences, si l’on admet le charme de la situation, si l’on accepte de tenter d’infiltrer le processus de création du cinéaste, l’on sort finalement indifférents d’un séance de visionnage qui verra parfois nos mirettes lorgnés sur notre montre, sur le lecteur en mode Display, le tout pour savoir si Zeitlin finira par aboutir quelque part.
A vous de trouver le sens des bêtes du sud sauvage, titre magnifique au passage. Si je n’ai nulle intention de démolir ici la réputation d’un film couronné de succès, je prévient autrui d’un risque de déception, d’étonnement alors que tous s’attendent à un monstrueux travail indépendant, prenant et très concret. C’est un peu tout le contraire. Ben Zeitlin devient du coup une sorte de David Lynch, de David Cronenberg du ciné Indé US, soit un réalisateur loufoque mais pas pour autant détraqué. 10/20