Chez Gus Van Sant, on trouve aussi bien du cinéma expérimental – sa trilogie d’errance adolescente le confirme, avec la palme d’or « Elephant », le taciturne « Last Days » et le What the fuck désertique « Gerry » – que des produits plus « accessibles », le remake calibré « Psycho », le drame politique Oscarisé « Harvey Milk » et le commercial mais néanmoins génial « Will Hunting ».
« Promised Land », son dernier film, en salles le 17 avril, qui devait être à l’origine réalisé par l’acteur Matt Damon avant de prendre le rôle finalement derrière la caméra de son ami Gus Van Sant, fait à priori partie de la seconde catégorie, ne serait ce qu’au regard du casting alléchant de l’entreprise. Matt Damon, qu’on ne présente plus, Frances McDormand, comédienne fétiche des frères Coen, John Krasinski, l’un des piliers de la série « The Office (us) », Scoot McNairy découvert l’année dernière dans « Cogan » et Titus Welliver, acteur aperçu dans « Lost » ou récemment chez Ben Affleck (« The Town », « Argo »).
Dans « Promised Land », Matt Damon s’en tire comme il peut et interprète avec ferveur le représentant d’un grand groupe énergétique, interrogeant non sans controverse la question du gaz de schiste aux Etats-Unis. Il est opposé au militant John Krasinski, comédien révélé dans « Away We Go » puis « The Office (us) », qui remplit le job, sans éblouir l’écran pour autant. Frances McDormand fournit un peu de légèreté à l’ensemble grâce à son personnage d’activiste irrésistiblement burlesque.
Question cruciale et récurrente des débats économiques actuels ? Oui, ça va sans dire.
Interpeler l’opinion publique sur la nécessité de fustiger la dramatique politique de l’autruche de ces derniers temps sur l’épineux sujet ? Oui, là encore, « Promised Land » remplit allégrement le cahier des charges.
Mais où sont donc passés les thèmes humanistes, le regard social affûté, le piquant et la capacité de Gus Van Sant pour transcender la difficulté ?
Dans « Promised Land », Van Sant expose, de manière très convenue, la campagne politique de deux partis – le combat entre le méchant arriviste et le gentil écolo – avant un vote décisionnaire. Et quand survient la révélation du pot-aux-roses dans les quinze dernières minutes, on se demande bien quelle mouche a piqué Van Sant pour réaliser un film bavard et conspuant, à la morale écologiste formatée, même pas réhabilitée par le long monologue final de Matt Damon.
« Promised Land » n’atteint hélas pas non plus l’impact secrètement désiré par Damon himself : établir un film sur l’identité américaine et le sens de la communauté.
Et ce n’est vraiment pas l’histoire d’amour sans grand intérêt, en second plan, qui permet de tirer la sirène de détresse de ce navire en plein naufrage.
Bilan : De l’eau dans le gaz pour « Promised Land », fable écolo décevante mise en scène par le réalisateur talentueux de « Will Hunting » et « Elephant ». Un trop-plein de bons sentiments qui décrédibilisent complètement la démarche, malgré son côté acte de bravoure.