Même sans rien connaître du problème de l’exploitation du gaz de schiste, même sans se sentir de particulières affinités avec l’écologie militante ni avec l’Amérique profonde, on ne décroche pas une seule seconde du dernier film de Gus Van Sant. Tout simplement parce que son film est (très bien) écrit comme un polar, interprété par Matt Damon (parfait comme d’habitude) et Frances Mc Dormand, entre autres. Le film fonctionne parce qu’il se met à hauteur d’homme, il ne manipule pas de grands concepts un peu fumeux ni ne fait la morale de façon trop appuyée. Avoir donné à Matt Damon, avec le talent qu’on lui connait, le mauvais rôle fait que le film est toujours ambivalent. Il rends son personnage suffisamment attachant pour qu’on soit parfois tenté de le voir emporter le morceau alors qu’au fond de nous, on sait qu’il raconte une leçon bien apprise au service d’une multinationale cynique et sans états d’âme. Frances Mac Dormand compose un personnage très similaire, humain, drôle mais qui, au final, « fait le job » sans trop de scrupules. A part quelques uns, les personnages ne sont pas caricaturaux et c’est une des qualités de « Promised land ». L’autre grande force du film, c’est son scénario. On ne peut pas trop en dire parce qu’il y a un coup de théâtre (que je n’avais pas du tout vu venir, pour le coup…) qui donne tout son sens au mot cynisme ! Gus Van Sant filme l’Amérique profonde avec une vraie tendresse, les paysages (qui en sont pas époustouflants, c’est le Middle-West comme on l’imagine, plat, uniforme et interminable), illustre son film avec une musique country très à propos. Si on veut chipoter un peu, on peut trouver que parfois, dans certaines scènes, il sort un peu des gros sabots (sans mauvais jeu de mot) et tombe un tout petit peu dans la facilité. On peut aussi lever les yeux au ciel devant l’exercice de contrition en public que fait le personnage de Matt Damon à la fin du film, un exercice décidément très américain auquel, en bon français qui se respecte, on croit moyennement. Mais le plus honnêtement du monde, « Promised land » est un très bon film, du cinéma intelligent et bien écrit, et qui pose mine de rien des questions essentielles, écologiques évidemment mais aussi politiques et économiques. Le cinéma, çà sert aussi à çà, à se poser des questions compliquées sur un problème compliqué dans monde compliqué.