En général, je préfère écrire mes critiques à chaud, pour profiter de l'impulsion directe du film et retranscrire le plus fidèlement l'impression qu'il a eue sur moi. Je trouve que ça reste la meilleure manière de rendre justice aux long-métrages que je vois, quitte à retoucher ce que j'ai écrit si mon avis s'est modifié après avoir laissé les images et leurs entrelacs se décanter. Cette fois, je déroge à la règle puisque j'ai vu Bellflower il y a quelques jours. Qu'importe, il me suffit ici de me souvenir d'une seule scène de suicide pour ressentir à nouveau le désespoir qui suinte de ce film à fleur de peau, réalisé avec le cœur et de fait très viscéral. Une oeuvre qui s'éparpille sans cesse, parait parfois en faire trop ou manquer de justesse, mais au fond qu'importe puisqu'elle est amnistiée par son parti pris. Comment vraiment reprocher à cette version cauchemardesque de teen-movie cette sorte d'incontinence quand elle cherche justement à faire transparaître un mal-être, une effusion douloureuse qui semble s'épancher par tous les interstices. Ainsi, on ressent très bien, et tout du long, même lorsque la romance bat son plein avant que le drame n'opère, la forme d'urgence dans laquelle sont engoncés ces adulescents. Des personnages décérébrés, désœuvrés et perdus, qui ne trouvent pour combler leur vie qu'une forme de procuration, calquant bêtement leur attitude sur des personnages de Mad Max. Une façon non seulement de déréaliser leurs aspirations, leurs rêves, et a fortiori leur existence en la liant à ce point à une célèbre fiction, mais aussi de s'appuyer sur la nature apocalyptique du récit de Goerge Miller pour annoncer la sensation de fin imminente qui pousse tout ce petit monde à la dérive. Voilà ce que j'appelle s'appuyer intelligemment sur une référence, pas s'en servir simplement comme argument de vente, comme l'ont dit certains. Mais ce que je préfère de Bellflower, ce sont ces instants de mélancolie lancinants qui parviennent à s'en dégager, malgré des personnages décérébrés auxquels on a du mal à s'identifier. Une beauté d'autant plus forte qu'elle émerge de quelque chose de plutôt laid et repoussant à la base. Narrativement, une même impression de perte de contrôle, de foutoir, presque, et c'est là que je suis un peu plus rétif. Si les réarrangements narratifs embrouillent complètement les sens et la perception de la réalité, laissant planer le doute sur des scènes dont on ne sait presque plus si elles ne sont pas que de simples rêves, j'aurais préféré pour la résolution progressive du drame qui se déroule durant la seconde partie, un traitement plus limpide, moins poseur. Au moins, ce choix a le mérite d'ouvrir un champ de possibles impressionnant, qui évite à l'oeuvre de sombrer dans des travers trop démonstratifs qui consisteraient à n'imaginer qu'une issue possible. Le traitement est lui aussi presque boursouflé, balançant pas mal d'effets, avec une réussite variable. Bien des points demeurent quand même marquants, à leur manière, comme cette caméra bricolée avec les moyens du bord, à l'objectif dégueulasse, ou même ces zones de flou qui aident efficacement à rentrer dans cet univers semi-onirique et perturbé. Comme ces plans aux couleurs saturées, que l'utilisation récurrente de filtres clairs font irradier de couleurs de carte postale (on dirait que même les moments de fusion les plus parfait d'une histoire d'amour appartiennent déjà à un passé lointain ou à quelque chose de vainement idéalisé) l'image de Bellflower est celle d'une vision, osée et personnelle mais qui s'est pourtant plutôt bien communiquée à moi. L'image parfait de l'impact tangible que produit cet objet onirique, je trouve que c'est son titre, qui a en plus l'intérêt de briser très simplement le rêve qu'on croit suivre un moment. La fibre plutôt poétique de ce "Bellflower", en effet, n'est très prosaïquement rattachée qu'au nom d'une simple rue. Bref, un métrage sans doute quelque peu arty, mais trop plein de vie et d'idée pour qu'on puisse n'y voir qu'une simple pose opportuniste. D'ailleurs, faut-il le rappeler, l’événement de Sundance 2011. Intéressant.