En 1980, William Lustig réalisait ce qui allait devenir un incontournable pour les amateurs de frissons sur grand écran : "MANIAC". L'histoire d'un agité du bocal hanté par le fantôme de sa dévergondée de maman, vivant complètement seul au milieu de mannequins de cire qu'il croit vivants, et qui, à la nuit tombée, s'en va massacrer avec rage de belles inconnues dans les rues sombres des quartiers glauques de Brooklyn afin de s'offrir leur scalp... Appétissant, non ? 33 ans plus tard, comme possédé par l'esprit de sa défunte mère à qui il fait des offrandes pour le moins particulières, Elijah Wood reprend ce rôle et est vraiment convaincant en serial-killer complètement cintré. Là où Joe Spinell n'avait absolument pas à forcer sa nature pour être inquiétant, la star du "Seigneur des Anneaux" campe un personnage complexe ; angélique à l'extérieur, démoniaque à l'intérieur. Un véritable diable à qui l'on donnerait le Bon Dieu sans confession.
Mais c'est vraiment la mise en scène de Khalfoun qui se révèle être la grande attraction de cette pellicule. Le réalisateur a choisi un part-pris esthétique pouvant s'annoncer casse-gueule mais au final extrêmement payant. En effet, "MANIAC" est entièrement tourné à la première personne, à travers les yeux de ce massacreur de jeunes nymphes. La notion de point de vue, déjà très chère à Lustig dans le film de 1980, est ici poussée à son paroxysme. Pendant près d'1h30, Khalfoun nous place littéralement à la place du protagoniste central. A l'exception de deux ou trois séquences, on ne voit uniquement ce qu'Elijah Wood voit ; les concepts de regard, de reflet et d'image étant centraux à cette œuvre, mettant le spectateur dans une position inconfortable, le forçant à s'identifier à un dément. Ce choix de mise en scène peut se voir comme un exercice de style démonstratif et vite lassant, mais il en est rien. Nous avons bien là un pari osé mais en tout point réussi, un choix fort qui nous immerge totalement dans l'action et rend l'ensemble très captivant, renforçant le grand sentiment de malaise qui plane tout au long de ce film choc et ultra-violent, car hyperréaliste dans son traitement et sa sauvagerie.
Ici, on peut aisément avancer que la forme à pris le pas sur le fond, chose certes un peu dommage car le chef-d’œuvre du genre n'aurait pas été loin sinon. Car il est néanmoins vrai que ce "MANIAC" de 2013, même si l'on n'a jamais vu la première version, ne recèle pas d'un scénario extrêmement inventif et surprenant. La psychologie n'y est pas forcément très poussée, et les scènes de meurtres, quoique brillantes, s'empilent un peu vainement au risque de devenir redondantes. Fort heureusement que la belle performance d'Elijah Wood, mais surtout le travail du réalisateur et de son directeur de la photographie (Maxime Alexandre, un autre frenchie), rattrape un peu ces blancs laissés à l'écriture, et confère une aura singulière et sophistiquée à un film finalement assez ordinaire. A déconseiller aux âmes sensibles, cette réussite formelle et graphique ne trahit jamais son modèle, nous en offrant une relecture moderne. Terriblement efficace et diaboliquement intrigant, "MANIAC", malgré ses maladresses, nous colle la nausée, et c'était sûrement là l'unique but recherché.
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