On peut qualifier le film de thriller familial et social, un « genre » qui caractérise le cinéma de Asghar Farhadi . L’action prend corps dans un quotidien plutôt banal, du moins largement répandu : un couple se sépare, avec l’impact que cela peut avoir sur son enfant, et il faut s’occuper du papa qui a la maladie d’Alzheimer. La grande force du film est de transformer peu à peu ce quotidien de stress en tension, puis en véritable suspense. Grâce d’abord à un scénario d’une qualité et d’une construction exceptionnelles, très élaboré, plein de rebondissements, plein de correspondances, où des détails qui peuvent paraître sans importance en prennent soudain une. Grâce ensuite à une mise en scène de même niveau, qui sait passer du long plan fixe, comme celui de la première scène, qui place la caméra, et donc le spectateur, dans la situation du juge, et symbolise l’immobilisme dans leur approche des deux personnages présentés, à des moments de montage vif et haché, qui accompagne et exprime le stress vécu à l’écran. Qui sait utiliser l’espace, des plans symboliques (la descente en ascenseur) et des plans de coupe saisissants (ceux des enfants ou du vieillard). Toute aussi admirable est l’approche compréhensives et fine des personnages. Même dans les moments conflictuels, dans ce méandre de malentendus, de dissimulations, de mensonges et de petits arrangements, chacun a ses raisons, face auxquelles le réalisateur, sans parti pris, laisse le spectateur se faire, si possible, une opinion.
Dans ce grand film humain, Asghar Fahradi montre aussi, habilement et admirablement, son pays, son administration, sa justice, ses différences sociales et le poids central de la religion. Une très grande réussite.