L'autoroute perdu au même titre que le spectateur. Se pose alors, face à un tel film, la question du "perdu", du "lost" ? "Lost Highway" (USA, 1997) dédouble, comme dédoublera dans une autre direction "Mulholland Drive" (USA, 2002). A posteriori, "Lost Highway" semble être le pivot de la filmographie de Lynch où comment Lynch passe des films comme "Blue Velvet" (USA, 1986) et "Wild at Heart" (USA, 1990) à "Mulholland Drive" (USA, 2002) et "INLAND EMPIRE" (USA, 2007). Pivot car tout y est déjà, paroxysme du montage sonore, Lynch réussit à sortir d'un saxophone un bruit strident et purement effrayant, paroxysme du charnel, Lynch fait montre d'une utilisation hors pair du ralenti (cf. sortie de Patricia Arquette (Alica Wakefield) de la Cadillac), et paroxysme aussi des lumières (paroxysme depuis dépassé par "INLAND EMPIRE"). Bref, "Lost Highway" est une oeuvre d'art volontairement décapente voire bien plus rock que "Wild at Heart" (ceci puisqu'on passe tout de même d'Elvis à Marilyn Manson). Dans "Lost Highway", le personnage principal a trois visages, trois allures, figure triangulaire apte à la perdition puisque chaque point ne nous renvoie qu'à un seul endroit, le troisième nous échappant nécessairement. David Lynch, une fois n'est pas coutume, joue avec le spectateur avec d'autant plus de maestria qu'il tente de le déconnecter tant de ses connaissances psychologiques que de ses connaissances empiriques. La gueule de Bill Pullman devient donc l'incarnation d'un abstrait, au fil du film, il a le temps de prendre deux formes différentes, de nous perdre sur l'autoroute de la vie et de l'amour, majoritairement physique. "Lost Highway" véritable trip hard-rock sur fond de Ramstein éblouit par un côté opéra-rock qui se joue de tout même d'élucidation. In fine, "Lost Highway" s'enchaîne à l'infini, nous troublant délicieusement. L'accouplissement de l'esthétisme violent, de la narration triangulaire et du cylisme globale place "Lost Highway" comme une figure hors cadre.