"On ignore ce qui se cache dans l'obscurité" , "tous les films sont des rêves" "il y a une logique dans chacun de mes films mais l'important c'est votre logique à vous" . Telles sont les citations d'un des prodiges du cinéma américain qui résume parfaitement en ces quelques mots , en ces quelques phrases la singularité d'un cinéma auquel il a donné vie , un cinéma qui lui permet de mettre en scène tout type de fantasmes , de visions folles , imaginaires , souvent cauchemardesques , effrayantes et terrifiantes comme c'était le cas par exemple dans Sailor et Lula ( 1990 ) Twin Peaks-Fire Walk with me (1992) . Lost Highway ( 1997 ) est un de ceux-là . Ce long-métrage est en effet incroyablement virtuose et il est rare ( d'ailleurs , il est inédit ) qu'on ait pu assister à une pareille expérience qui est ici sensorielle , excitante , dramatique , envoûtante et autres . Mais le cinéaste le fait à travers ce personnage extraordinaire de Fred Madison ( le formidable Bill Pullman ) , un musicien-saxophoniste persuadé de l'infidélité de son épouse Renée ( la sensuelle et ravissante Patricia Arquette ) alors que le couple reçoit des vidéos d'un anonyme , des vidéos menaçantes et terrifiantes . Ensuite , le spectateur va rencontrer des personnages étranges , énigmatiques et très intrigants dont l'inoubliable Mystery Man ( Robert Blake qui est exceptionnel dans le film ) . Puis , un meurtre , une condamnation , de nouveaux personnages ... Par cette mise en abyme extraordinairement intelligente , efficace et virtuose , le grand David Lynch dresse le portrait psychologique passionnant d'un homme qui vient de commettre l'irréparable .Cela est fait de manière extrêmement précise et forte puisque le réalisateur a eu ce génie , le talent d'opérer la schizophrénie du personnage par un long cheminement psychologique symbolisé ici par l'autoroute . Voilà encore un thème se retrouve beaucoup dans le cinéma du réalisateur . L'autoroute mène à la confusion , à la perte du spectateur puisque le titre signifie dans sa traduction "Route perdue". Et c'est dans cette route que le personnage trouve sa fin , son issue terrible , dans une scène finale , sublime , dramatique , violente et tragique . Le poids de la culpabilité du protagoniste , de la folie meurtrière de celui-ci est vraiment et sincèrement parfaitement relaté et notre personnage est entraîné dans ce cercle infernal . Il y a cette idée du rêve . A travers ses diverses personnalités , Fred Madison trouve un justificatif à ses crimes . Le destin perdu du protagoniste , sa dégradation , son dérangement : nous comprenons mieux pourquoi il y a le choix de la chanson du générique d'ouverture et du générique de fin "I'm deranged" interprété par David Bowie . Lost Highway est un film où la femme a sa grande importance :
en effet , elle peut apparaître sous un angle au premier abord sympathique avec le personnage de Renée Madison , une épouse qui semble aimante et affectueuse mais qui plus tard se révèle être fatale , dangereuse , cruelle et aussi manipulatrice : c'est le cas de Alice Wakefield , qui va faire sombrer le personnage principal ( et plus exactement l'une des personnalités de ce personnage ) dans le vice ( le meurtre )
. Patricia Arquette parvient d'ailleurs parfaitement à se mettre dans la peau de ces deux femmes , toutes deux très belles et il y a ce côté blonde/brune comme pour nous troubler , brouiller les pistes , ce mystère féminin qui se retrouvera dans le magnifique Mulholland drive . Ce qui fait aussi l'étrangeté de cette merveille du septième art , c'est sa façon où même si on la chance de le visualiser un grand nombre de fois , il restera toujours un petit détail qui échappera au spectateur ou du moins les doutes de celui qui sera très certainement amené à se demander : "Ai-je bien compris Lost Highway ? Etait-ce bien cela ?" . Tout simplement car le mystère de ce chef-d'oeuvre ne fait que perdurer , rien ne lui enlève cette force qui vient de sa construction labyrinthique , commune à certaines oeuvres du cinéaste prodige et ce , malgré le nombre de visionnage . Et après tout , découvrir un film superbe comme l'est celui demande à être redécouvrir pour en cerner d'avantage le talent , les subtilités , la force . C'est ainsi qu' on s'engage donc , nous en tant que spectateurs , parfaitement et intensément sur cette fameuse autoroute du vice , de la folie , du meurtre ... durant cent trente-cinq minutes de pur plaisir cinéphile ( et inutile de préciser qu'on est prêt à promettre de renouveler l'expérience ) . Un film captivant , superbe , mystérieux et happant .