Avant d'entamer cette critique, je tiens à préciser quelques points : je n'ai pas lu le comic de 1989, donc la fidélité du film par rapport à celui-ci m'importe peu. Cependant, ayant vu et apprécié l'adaptation de 1994, je serai en mesure de comparer les deux films et ce, même si cela n'a pas vraiment lieu d'être non plus, compte tenu du fait que le film d'aujourd'hui n'est PAS un remake de l'original. Ainsi, les critiques reprochant à cette nouvelle version de n'avoir "plus rien à voir avec la première" sont absurdes.
Cela dit, étant donné le statut culte de "The Crow" de 1994, la comparaison reste inévitable. Alors, cette nouvelle version manque-t-elle de respect à l'original ? Est-elle moins bonne ? Meilleure ? En réalité, elle est simplement différente, et c’est une bonne surprise.
Honnêtement, j'avais vraiment des appréhensions. À en croire les critiques et l'idée même de proposer une nouvelle version d'une histoire déjà brillamment adaptée, je m'attendais à une insulte à l'œuvre originale, mais il n'en fut rien. Rupert Sanders a su faire preuve de suffisamment de respect pour créer sa propre version de l’histoire, même si je comprends que tout le monde ne le voit pas ainsi. Beaucoup auraient préféré une approche plus similaire au film d'Alex Proyas, sans réaliser que la véritable insulte aurait été d’en faire une pâle copie.
Alors, qu'en est-il de cette version moderne de "The Crow" ?
Eh bien, oui, ce film est très différent de la version avec Brandon Lee. La nouveauté se manifeste aussi bien dans l'illustration de l'univers et la mise en place de ses règles que dans le traitement des personnages et les thèmes principaux.
La fantaisie y est beaucoup plus présente que dans le film original. Le monde spirituel est clairement illustré, et de nouveaux personnages surnaturels sont introduits. Certains regretteront peut-être que cette séparation plus marquée avec la réalité atténue l’aspect sombre et terre-à-terre qui faisait le charme du premier film, mais cela enrichit également l’univers en le rendant plus riche et vaste. Les règles, sans être dénaturées, ont été complexifiées, apportant davantage de substance à cet univers. Les critiques qui pointent du doigt le côté "cliché" du film oublient que reprocher à "The Crow" d'être cliché, c'est comme reprocher à "La Famille Addams" d'être cliché. Le gothique assumé de cet univers fait partie de son charme, et mon seul regret est que le film n’ait pas osé aller plus loin dans sa créativité et n’ait pas autant embrassé son esthétique gothique que dans le premier film. Avec les moyens actuels, on aurait pu obtenir quelque chose de sublime, même si le film s’en sort déjà plutôt bien.
Les personnages sont probablement l’un des plus grands changements de ce film. Très différents des Eric et Shelly que nous connaissons, ils n’en restent pas moins attachants. Shelly, en particulier, gagne un statut supérieur à celui de "femme dans le frigo". Quant à Eric, il est brillamment interprété par Bill Skarsgård, qui parvient à conserver toute l’essence du personnage du corbeau avec un nouveau look qui fonctionne bien. Cette profondeur ajoutée permet au film de s’éloigner d’un simple récit de vengeance pour explorer des thèmes plus nuancés, comme la rédemption et l'amour éternel, apportant ainsi une substance supplémentaire qui manquait au premier film. Cependant, bien que j’apprécie le nouveau traitement des personnages, celui-ci manque parfois de profondeur, comme si le film n’avait pas pris le temps d’aller jusqu’au bout. Cela se ressent particulièrement dans la backstory d’Eric. Limitée à un simple flashback flou, alors que l’apparence même du personnage, avec ses nombreux tatouages et cicatrices, suggère un passé riche en histoires, mais le film se contente de le présenter comme un être brisé et vide, pour rendre son attachement rapide à Shelly plus "réaliste", ce qui est dommage. La rencontre avec d'autres personnages est également parfois expédiée, donnant une impression générale de gestion maladroite du temps narratif.
Concernant les antagonistes, bien que l'un d'entre eux se voie doté d'un pouvoir intéressant qui renforce encore l'atmosphère surnaturelle, les adversaires d'Eric manquent cruellement de charisme et de profondeur. Pourtant, dans un monde aussi défini et stylisé que celui de "The Crow", c'est un détail qui a de l'importance.
D'un point de vue technique, le film prend parfois des raccourcis un peu grossiers, rendant certaines scènes expédiées et incohérentes. Quant à l'action, elle est souvent basique et peu originale, bien que le film nous offre un combat final sincèrement palpitant et créatif, avec toute la violence et la colère qu'on peut attendre d’un film "The Crow". Certes, de ce côté-là, le film de Brandon Lee est supérieur, car il nous offre la même intensité tout du long.
Les effets spéciaux, quant à eux, sont beaucoup plus présents que dans le premier film et ne sont pas mauvais, contrairement à ce que certains laissent entendre, même si j'ai le sentiment que certaines idées visuelles intéressantes ont été restreintes à cause d'une mauvaise gestion du budget, mais peut-être aussi par une peur " d'en faire trop" par rapport au public moderne.
En définitive, aborder ce film nécessite d’accepter qu’il ne s’agit pas d’un simple remake, mais d’une réimagination audacieuse pour un public contemporain. Ce n’est peut-être pas un film parfait, et on a souvent l’impression qu’il aurait pu en offrir davantage, mais sa richesse visuelle, son atmosphère immersive et son exploration narrative montrent qu’il a le potentiel d’étendre l’univers de "The Crow" avec des idées neuves et prometteuses. En somme, c'est une œuvre qui mérite d'être jugée sur ses propres mérites, sans être écrasée par l'ombre du film de 1994. Même si personnellement et comme beaucoup de gens, je préfère ce dernier.