Le décompte du titre prévient l’urgence de l’œuvre. «4 luni, 3 saptamini si 2 zile» (Roumaine, 2007) de Cristian Mungiu révèle en un système de plan-séquences, non seulement l’état illicite de l’avortement en Roumanie mais surtout, par ce biais, l’état de tout le pays. Deux poissons sont clos dans un bocal, avec pour image un monument national comme arrière-plan, voilà le plan liminaire du deuxième film de Mungiu. Les deux poissons sont l’analogie des deux étudiantes victimes des lois de leur gouvernement sur l’IVG. Le film est une critique contre la politique roumaine, exempte de virulence frénétique. Les plus probantes des séquences sont celles avec l’avorteur dont le ton agressif agite encore davantage la crainte des protagonistes, et la notre par la même occasion. Le médecin «Monsieur Bébé», remarquablement interprété par Vlad Ivanov, est ce gouvernement qui ploie les citoyens, anéanti l’individualité voire le viole. Une fois la «substantifique moelle» extirpée, son ton est plus léger même amical. Mungiu capte à travers cet avorteur, les politiques roumains au pouvoir comme des vampires avides du corps, des ressources de leurs citoyens. Cette métaphore est certes un peu abusive mais elle en souligne l’idée. Tout ce qui est étranger aux deux femmes, que ce soient la police ou même le fiancée de l’une d’elle, contient un risque. Cette vigilance est instaurée par le gouvernement roumain, seul responsable des mœurs légales rejetant l’avortement. Et même les caractères des deux «héroïnes» sont atteints par cette atmosphère politique puisqu’elle décide, in fine, de ne plus jamais en reparler, enterrant l’horrible expérience à laquelle elles ont du faire face, la noyant dans le silence. Mungiu, par le biais de cette œuvre, offre un relais au monde, aidé d’une Palme, sur l’état de la Roumanie. Et bien qu’il y ait peu d’espoir, comme le laisse à penser le fœtus inerte ensanglanté, le sacrifice d’Otilia rêve à la solidarité d’une démocratie juste.