"Faire des films est un besoin, comme celui de boire, de manger, ou d'aimer". Ingmar Bergman avait raison, et à la vision de 4 mois, 3 semaines et 2 jours, l'adage devient aussi vrai pour le spectateur, tant il aura été nourri de cette pure potion cinématographique, véritable leçon de cinéma et film-étendard de toute une génération pour qui le cinéma ne vit que par le souffle qu'on lui insuffle. Retour sur ce qui constitue sûrement l'une des plus grands palmes d'or cannoise de ces dix dernières années.
Beaucoup s'étaient enorgueillis de la victoire de Ken Loach l'an dernier, palme plus politique que cinématographique, mais surtout palme de l'inconsistance et du politiquement correct, d'un classicisme scolaire. Aujourd'hui, avec le choix judicieux et partagé du jury éclairé de Stephen Frears, une page semble s'être tournée tant le chef-d'oeuvre de Cristian Mungiu fait table rase avec le passé, tout en se plaçant dans le sillon d'une certaine école, celle des frères Dardenne. La force du réalisateur roumain, surpassant par la même ses petits frères (mais déjà talentueux à l'extrême) Puiu (la fable tragi-comique La Mort de Dante Lazarescu) et Porumboiu (la comédie grinçante 12h08 à l'Est de Bucarest), tient en la grandeur de sa mise en scène. La place du réalisateur en tant que créateur revient donc en force, et c'est caméra à l'épaule, tout en nervosité, où plane l'ombre de Rosetta ou encore du Keane de Lodge Kerrigan, que le metteur en scène choisit de filmer ses protagonistes se débattant face à leurs actes. Sa mise en scène est brute, nette et surtout d'une précision tranchante. Débarassé de tous les oripeaux qu'une telle histoire implique, Mungiu filme, avec une succession hallucinante, de longs plans-séquence hypnotiques et de magnifiques plans aux contrastes lumineux saisissants. Ne jugeant en rien les actes de ses protagonistes, le cinéastes préfère se concentrer sur des jeux d'ombre et de lumière, amenant à l'ultime réflexion, celle de nos choix,assumés