Votre avis sur 4 mois, 3 semaines, 2 jours ?
4,0
Publiée le 15 octobre 2012
Après l'Allemagne de l'Est de "La Vie des Autres", la Roumanie des dernières années de la dictature stalinienne de Nicolae et Elena Ceaucescu nous vaut un autre film passionnant sur le combat difficile des simples citoyens pour leur survie dans un régime totalitaire. Là où Corneliu Porumboiu dans "12 h 08 à l'Est de Bucarest" traitait la description de cette société étouffante sur le mode de la comédie, Cristian Mungiu a choisi une tonalité bien différente.

Très vite, le spectateur est entraîné dans la tension que subissent les deux jeunes femmes, et particulièrement Otilia que Cristian Mungiu suit de bout en bout comme les frères Dardenne suivaient Rosetta (Tiens ? Une autre palme d'Or...). Comme chez Gus Van Sant ou dans "L'Esquive", il laisse les scènes se dérouler, aller au bout de leur logique interne, sans ellipse ni accélération ; la scène d'ouverture où la blonde Otilia tente d'insuffler son énergie à la brune Gabita qui planifie son avortement comme on prépare un voyage, ou celle, insupportable, où l'avorteur qui est affublé du pseudo impossible de Monsieur Bébé joue lentement de la culpabilisation et de la pression morale pour parvenir à ses fins, ou encore celle où Otilia erre de nuit dans les faubourgs sordides pour trouver un endroit où se débarasser du foetus, toutes ces scènes peuvent paraître longues. Mais cet étirement est nécessaire pour accompagner le cheminement douloureux des deux personnages, et l'absence de musique concourt à ce sentiment de vérité et de proximité.

S'il n'y a pas de musique pour indiquer au spectateur quelle est l'émotion attendue, la bande son est très travaillée, et ce d'autant plus que Cristian Mungiu accorde beaucoup d'importance au hors champ. L'eau qui coule quand Otilia se lave après le viol, ses pas sur un pont métallique dans son errance nocturne, la musique du mariage qui se déroule dans l'hôtel, tous ces sons renforcent le sentiment de menace qui pèse sur la jeune femme corseté par le cadre et la lumière blafarde qui baigne les longs corridors, les chambres d'hôtel ou les appartements des travailleurs méritants éclairés par des néons défaillants.

Filmée en plan fixe et frontalement, la scène où Otilia doit supporter la conversation des invités de la mère de son ami est emblématique de cette maîtrise du rapport entre ce qui est dedans et en dehors du cadre. Ce qui importe narrativement, c'est l'urgence pour Otilia de s'échapper de ce traquenard pour prendre des nouvelles de son amie qui est peut-être en train de se vider de son sang. Mais comme elle, le spectateur doit endurer les platitudes de ces bureaucrates conformistes et faussement chaleureux, débitées pour certaines par des personnages coupés bord cadre.

Car une des forces de ce film réside dans sa capacité à raconter à la fois un destin individuel, celui d'une jeune femme confrontée à l'avortement clandestin (ce qui n'est pas une spécificité roumaine, il suffit de voir "Vera Drake" ou "Une Affaire de Femmes"), et aussi de montrer le quotidien d'une société totalitaire, au travers de petits détails accessoires : la mère d'Adi qui se lève tôt pour faire un gâteau "avant la baisse du gaz", la solidarité des voyageurs devant les contrôleurs du bus, la queue devant un magasin. On ne voit jamais la Securitate, mais on perçoit tout autant sa présence qu'on voyait celle de la Stasi dans "La Vie des Autres".

Les deux actrices sont à la hauteur de leurs personnages : Laura Vassiliu, tragiquement enfantine, et surtout Anamaria Marinca, qui rappelle la Sandrine Bonnaire de Pialat, dans son mélange d'intensité et de fragilité. A l'exception peut-être du plan du foetus sur le carrelage de la salle de bains, rien n'est inutile dans "4 mois, 3 semaines, 2 jours". Sans fioritures mais avec une véritable rigueur formelle, Cristian Mungiu réussit à rendre passionnant un sujet à priori plombant, et si la noirceur du récit rejoint celle du cadre politique et esthétique, il maintient une étincelle d'espoir en montrant la capacité de l'humain à manifester le meilleur (le dévouement d'Otilia) même au coeur de la nuit.

http://www.critiquesclunysiennes.com
4,5
Publiée le 15 septembre 2012
Une brune qui devrait arrêter de penser parce qu’elle est trop bête, une blonde qui devrait commencer à penser, et arrêter d’être la bonne copine, bonne poire. Le plan-séquence du repas de famille est suffocant et claustrophobique à souhait, la dispute avec le petit ami, cache bien des choses, et c’est là l’un des atouts du film, ne jamais se limiter à ce que l’on a sous les yeux, la vérité étant ailleurs. Pour preuve, j’ai pris la défense de son petit ami, en me disant que ce n’est pas sa faute, (elle vient de subir un traumatisme que je ne peux dévoiler), ce n’est pas de sa faute, et c’est lui qui prend tout. Soudain, les deux filles à table, fondu au noir et fin aussi brusque que subliminale. Je me dis alors qu’un film d’auteur, réaliste, et sans concession, primé au plus grand festival du monde, ce n’est pas mal, sans plus. Et le lendemain, j’ai une intuition soudaine, qui me dit que je suis à côté de la plaque. Pendant tout le film, il n’est pas question d’une histoire, (deux femmes complices d’un avortement clandestin dans la Roumanie de Ceaucescu), mais bien de deux, voire trois histoires, totalement imbriquées. Le truc est tellement subtil que je n’y ai vu que du feu. Le minimalisme de la mise en scène, ce couple d’actrices à la fois libres et esclaves, dirigées comme tel, comme des poupées de chiffons qui servent un propos sous-jacent. En fait, la vérité est là sous nous yeux, mais c’est nous qui ne voulons pas voir. Wow !
4,5
Publiée le 6 juillet 2012
Un film fort, âpre, lourd. Voici les trois adjectifs qui me viennent à l'esprit après visionnage de "4 mois, 3 semaines, 2 jours". Le thème, portant sur l'avortement clandestin sous la Roumanie communiste, est traité avec intelligence, porté par l'époustoufflante interprétation d'acteurs à la hauteur de l'enjeu. La mise en scène est plus qu'épurée, soulignant cette performance d'acteurs, et permettant de ne s'en tenir qu'au thème. Difficile d'en sortir indemne.
anonyme
Un visiteur
0,5
Publiée le 3 juillet 2012
Scénario creux, innombrables scènes en "queue de poisson" ou "cul de sac" comme vous préférez (au hasard : spoiler: les papiers oubliés de M. Bébé à l'hôtel, la scène finale !...
. Une ambiance glauque et même sordide (voire morbide) au possible, une lumière pourrie, des plans séquences interminables (attendez-vous à avoir 15-20 fois la scène d'ouverture d'Il était une fois dans l'Ouest en terme de durée), un cadrage indigne (plans d'ensemble une scène sur deux, et l'autre moitié c'est du gros plan, suivi d'un plan d'ensemble sur l'héroïne qui court après le bus/le métro/une voiture (au choix)) des dialogues qui tournent autour du pot pendant des heures, tellement inutiles que j'avais l'impression que c'était fait exprès pour induire le spectateur en erreur (du genre "c’est débile mais si ça se trouve ça va trouver un sens plus loin dans le film" mais en fait non, ça sert juste à rien)

La scène de fin est tellement minable et sans intérêt que j'ai failli balancer mon poste par la fenêtre : spoiler: l'héroïne revient à l'hôtel où se déroule un mariage et où une bagarre a éclaté (d'où l'ambulance à l'extérieur qui "nous faisait cro peur pour Gabita parce qu'on croyait qu'elle était morte et que les policiers ils allaient les envoyer en prison"), l'héroïne rejoint G. au restaurant où elle a commandé du filet de bœuf, d’agneau... (on s'en tape) et elles décident de ne pas reparler de toute l'action du film.


J'ai l'impression qu'à 10 ans, avec une bonne caméra et deux trois copains, j'aurais fait mieux. Visiblement, pour gagner quelque chose à Cannes, il faut filmer mal, ne pas s'embêter avec le son ni la lumière (ni quoi que ce soit d'ailleurs), en somme, faire du style documentaire encore plus chiant que l'original, un "pseudo-truc" qui se dit "réaliste" (en fait c’est un autre mot pour dire "grosse merde fait d’images qui se succèdent à hauteur de 24 ou 25 par secondes"). Selon moi, bien réalisé, ce film aurait dû tenir sur 10-15 min maximum, le reste c'est 1h40 de "cinéma d'auteur" à se faire piquer au cyanure de potassium dans son canapé.

Je crois que le divorce entre Cannes et moi est consommé avec ce film qui me rappelle que le jury de Cannes est une bande de déconnectés de la société qui pensent que la réalité du bas peuple est chiante et ainsi se convainc de la connaître en votant pour un film hyper chiant. Pitié qu'ils arrêtent de se prendre pour des intellos à promouvoir du pseudo-documentaire à deux sous.

Finalement, j'étais partagé entre 0.5 et 5 étoiles car le film est selon moi un énorme navet. Le fait qu'il ait eu la palme à Cannes et qu'il sente l'arrogance et la prétention à mille lieues me font lui mettre un 0.5, pour le plaisir, comme ça, parce que je suis en forme ; car contrairement à des films qui sont maintenant des classiques tels que Beowulf (1999), qu'on peut mater entre potes pour délirer, cette daube intersidérale est uniquement à conseiller à un ennemi viscéral pour avoir l’intime conviction que, pendant deux heures, on l’a abattu à coups de fusil à canon scié dans les parties intimes.
4,0
Publiée le 25 juin 2012
Un sujet délicat puissamment et délicatement exploité qui attrape l'esprit du spectateur pour ne le relâcher qu'à la toute dernière séquence.
anonyme
Un visiteur
2,5
Publiée le 21 mai 2012
Ce film m'a mise mal à l'aise, mais c'est justement grâce à cela que je lui mets 2.5 étoiles. En effet, je l'ai trouvé beaucoup trop long et lent et les plans-séquences, qui m'amusaient au début, m'ont vite agacée. Reste le sujet, l'avortement, dans un pays et une époque où il était encore illégal, qui tient éveillé pendant le film... et aussi le voyage en Roumanie. On est dépaysé et on arrive à se faire une bonne idée de ce pays, de son contexte.

J'ai passé mes 30 dernières minutes à bailler, donc pas un grand film pour moi
3,5
Publiée le 20 juillet 2023
Chronique âpre et tendue d’un avortement clandestin en Roumanie dans les années 80, ternie néanmoins par quelques longueurs. 3,25
Palme d’or 2007
3,0
Publiée le 4 mars 2012
Un film fort sur un état de fait, un décryptage sur le drame à effectuer un avortement prohibé dans un pays sous le joug de la dictature. L'entrée en matière se fait doucement, sous silence avec mille précautions, comme ces habitants destinés d'être silencieux, renfermés et asservis (en apparence). La "brutalité" de l'acte est aussi grand que la bestialité et les risques pris au regard d'un geste encadré en occident à cette époque. On retrouve tous les ingrédients de la débrouille du quotidien et de se qui est interdit, en feintant, trichant et mentant. De très long plans séquences impressionnent par leur contrôle, assez bluffant. Très bonnes interprétations aussi. On regrettera le film linéaire et ce manque, marquant, de "pouvoir" omniprésent (uniquement dans les dialogues) et non dans les scènes. Un bon film avec ses défauts et ses manques. 3/5 !!!
anonyme
Un visiteur
3,5
Publiée le 5 mars 2013
Un film radical à tous les sens du terme et de différents points de vue : le sujet, le traitement sans fioritures qui en est fait, mais aussi une réalisation qui laisse la part belle à de longs plans-séquences. Un film marquant... Pour la palme d'or, c'est plus discutable...
4,0
Publiée le 30 janvier 2012
4 mois, 3 semaines, 2 jours est de ces films qui vous attrapent les tripes dès la première séquence pour ne vous lâcher seulement 24 heures après le générique final. A l'aide de plan séquence audacieux dans lequel évoluent les deux magnifiques comédiennes (ces femmes ne jouent pas, elles sont), Mungiu s'applique à transmettre le plus d'objectivité et de pudeur. La caméra est spectatrice, et le film est plus un témoignage qu'un manifeste. Et c'est sans doute pour cela que le film nous touche autant, à aucun moment il ne nous agresse, nous force, nous malmène... Il nous dit tout simplement "regarde", mais ce que l'on voit nous bouleverse, tant cela paraît réel et proche de nous. C'est le recul intelligent que prend Mungiu vis-à-vis de son film qui lui a permis d'être aussi juste.
5,0
Publiée le 15 janvier 2012
Primé à Cannes en 2007, "4 mois, 3 semaines, 2 jours" est un véritable film coup de poing qui, loin d'être purement moralisateur en abordant un sujet difficile tel que l'avortement, nous prend littéralement à la gorge à la fois avec sobriété et avec force. Le sujet difficile et pour le moins controversé choisi par Cristian Mungiu est doublé par des scènes difficiles et violentes qui ne font que renforcer l'extraordinaire authenticité de ce film. La caméra du cinéaste roumain capte tout dans les moindres détails, nous filme également un contexte social difficile (régime communiste) avec ses conditions de vie grâce à une reconstitution remarquable en tout point. Que dire également du jeu des actrices, en particulier d'Anamaria Marinca, éblouissante. Tout, vraiment, est réuni ici pour faire de ce film un chef d’œuvre : avec ses longs plans séquences, son duo d'actrices, ses situations tantôt oppressantes et tantôt absurdes (la scène théâtrale presque burlesque du repas de famille), ce drame, finalement assez banal, tire son épingle du jeu et décroche ici une Palme d'Or amplement méritée et applaudie !
3,5
Publiée le 27 mars 2012
Une forme très épurée pour un sujet très difficile : l'avortement, encore puni en Roumanie. Des longs plans séquences superbes où l'on peut difficilement respirer. Des actrices parfaites, un très bon film.
1,5
Publiée le 19 août 2011
Oui, la mise en scène, l'interprétation et le sujet sont plutôt bons mais il manque une fin à cette histoire ou plutôt il y a une scène en trop bien inutile (les retrouvailles au resto). Une palme de sympathie pour son sujet et la nationalité du film quand on voit les nombreux chefs d'oeuvre qui étaient en compétition cette année là...
anonyme
Un visiteur
3,0
Publiée le 6 juillet 2011
Quand on imagine un drame roumain sur l'avortement, on pense à un film glacial, lent, déprimant et glauque. A juste titre, car c'est exactement ce dont il est question. On pense aussi à un film qui plaira à tous les coups à la presse et aux festivals prétentieux, et c'est également le cas, puisqu'il a remporté la Palme d'Or, qui ne récompense depuis quelques années que des films qui ne la méritaient théoriquement pas. Munigu alterne les scènes d'intérieur, avec de longs plans-séquences fixes, et les scènes d'extérieur, toujours en plans-séquences, mais en pleine pénombre et avec moults mouvements saccadés. Son style s'accorde tout à fait à son sujet. L'actrice principale est également parfaite. Si l'on excepte le franchement dégueulasse plan sur le foetus gisant sur le sol de la salle de bain, plan voyeur et contre-productif, le film est même réussi, dans son genre. Mais ça reste un drame roumain sur l'avortement, alors j'ai quand même un peu de mal à me sentir transporté...
3,5
Publiée le 11 février 2017
Si le sujet central reste bien entendu l'avortement d'une jeune Roumaine sous l’ère Ceaucescu ,ce film est aussi l'histoire d'une belle amitié unissant 2 femmes aux caracteres opposés.Gabita ,la brune apparait fragile et assez immature tandis que Ottila (magnifique Marinca) la blonde se révèle forte et téméraire face au danger d’être decouvert.Alternant longs plans séquences ,plages de silence et scènes énergiques aux dialogues percutants ,le cinéaste suit camera a l’épaule les pas de son héroïne dans une sombre Roumanie sous contrôle permanent ,il multiplie les fausses pistes afin de mieux nous destabiliser et rendre intense cette ambiance de chaos qui nous étreint avant de s'achever de maniere frustrante par un final quelconque.A la fois reflet politico-social d'une époque , récit d'une relation fusionnelle et meme thriller haletant ,cette oeuvre temoigne du dynamisme d'un cinema qui 20 ans après commence a se pencher sur le douloureux passé de son pays.
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