Longtemps j’ai été réticent à regarder une série traitant de ménagères dans une bourgade chic des Etats-Unis. Jusque-là, les séries que j’affectionnais étaient celles où sévissaient des flics véreux, comme dans The Shield, ou encore celles ayant trait au surnaturel, telle X-Files, et même des comédies, dont le parangon est Seinfeld… mais une série sur les amours contrariées de quatre pouffes, très peu pour moi !
Et pourtant ! Il ne faut jamais dire « fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». Un jour que je m’ennuyais chez moi, je tombai sur un épisode, et après quelques minutes, je me surpris à rire à gorge déployée. Très vite, je me repris… je fus content d’être seul dans l’appartement, soulagé que personne ne m’avait entendu rire à une série dont j’étais un des plus ardent détracteurs. Ma réputation d’intellectuel et de mâle viril en aurait pris un coup.
Ensuite, je décidai de voir si ce rire qui m’avait échappé n’était qu’un épiphénomène. Donc, je continuai à regarder, pour, disons, effectuer une expérience… scientifique, étant donné que la base de cette dernière est qu’un phénomène se répète alors que l’expérience se réitère. Eh bien ! force est de constater que je continuais à rire.
Il me fallait comprendre cette anomalie. Cette énigme ne pouvait rester sans réponse. Pourtant, je n’avais rien fumé et je n’étais pas non plus sous l’effet de l’alcool… donc, cela ne venait pas de moi. Conan Doyle faisait dire à son Sherlock Holmes qu’après avoir éliminé l’impossible, ce qui demeurait, quand bien même cela paraissait improbable, devait être la vérité. Ainsi, si mon rire n’était pas causé par une altération quelconque de ma conscience, cela ne pouvait avoir qu’une cause : cette série était belle et bien marrante !
Je me replongeai vite dans le livre de Bergson Le Rire pour essayer de décortiquer cette question. Mais même l’auteur de Matière et Mémoire ne put me délivrer la réponse espérée. Il ne restait plus donc qu’à analyser la série seule.
Un mode de narration parfait, alternant la linéarité et les flashbacks. Une voix off amorale. Des personnages non-manichéens, ce qui n’est pas légion dans les séries américaines. Des personnages fouillés, des histoires construites comme des équations mathématiques où tout s’emboite naturellement. Et oui ! il me fallait me rendre à l’évidence : cette série était bonne.
Le temps où les grands producteurs faisaient la pluie et le beau temps est révolu ; désormais, ce sont les séries télévisées qui ont les faveurs du public ; ce sont chez elles que l’on trouve les meilleurs réalisateurs et scénaristes. Parfois, ceux-là sont même débauchés pour effectuer le grand saut, tel Cloverfield qui fut produit par J. J. Abrams, celui-là même qui était à l’origine de Lost.
À ceux donc qui seraient encore circonspect à l’idée de regarder une série américaine par peur du qu’en dira-t-on, ils n’ont qu’à en faire la preuve par eux-mêmes.
Ça ne pourra pas être pire que les daubes que l’on nous sert sur grand écran !