Alors là attention, on a du lourd. Un film de guerre à la française, avec plein de réflexions sur les rapports humains.
Passons rapidement sur le projet politique du film, à savoir dénoncer la mémoire sélective de la France qui aurait oublié que des soldats originaires des colonies ont participé aux opérations de la 2e guerre mondiale dans les rangs de l’Armée française de la Libération. Le fait que le film fasse l’impasse sur les centaines de viols que ces soldats ont commis en Italie nous démontre que, décidément, la mémoire est toujours sélective.
Concernant le scénario, il est à pleurer de rire. Apparemment, les scénaristes ont rapidement consulté les pages relatives à l’armée et à la seconde guerre mondiale sur Wikipédia pour se documenter.
Tout d’abord, personne ne semble s’être aperçu que Djamel Debbouze était manchot ; on l’affuble donc d’un fusil pendant une bonne partie du film, on le voit même en première ligne. A la fin du film toutefois, on s’est aperçu qu’il y avait un problème et on a remplacé son fusil par un pistolet. Brillante idée sauf que les simples soldats n’ont généralement pas de pistolet et parce qu’un pistolet n’est pas très indiqué pour tirer sur des cibles situées à 150 m. On aurait peut-être pu inclure son handicap dans le scénario (un soldat blessé au bras par exemple) mais non, pourquoi s’emmerder ?
Ensuite, les situations sont grotesques. Quelques exemples :
1- Après un briefing expliquant que les Américains sont bloqués en Alsace par une solide résistance allemande et qu’ils demandent des renforts, on découvre que les dits renforts sont constitués de 6 types, qui sont donc chargés de débloquer les Américains. Ce commando, constitué un capitaine, d’un sergent et de soldats (très crédibles comme organisation), part à la rescousse de l’armée américaine… à pied (la production n’a pas trouvé d’automobile d’époque ?) et en marchant en pleine forêt (apparemment, nos brillants pioupious n’ont pas pensé à suivre une route ou un chemin).
2- Cette forêt a été minée par les Allemands. On conçoit que l’on puisse miner un pont, une route, mais une forêt entière ! Mais il est vrai que les Allemands sont travailleurs et méthodiques et ils ont donc pris soin de tendre des fils déclenchant les mines entre chaque paire d’arbres de la forêt.
3- Arrivés en Alsace (à pied et par la forêt), nos héros déambulent dans des rues où figurent des inscriptions en Français (« abri » est très nettement visible). Rappelons que l’Alsace avait été rattachée au Reich et qu’il y a peu de chance que les autorités allemandes aient mis des indications en Français.
4- On notera le souci de véracité des combats : pistolet faisant des ravages à plus de 100 m, soldats allemands chargeant sous la mitraille, soldat se frayant un chemin dans les maisons à coup de canon anti-char… Du grand art.
En plus de la nullité du scénario, les acteurs sont mauvais. Djamel semble être sur Canal+, le jeu de Naceri se limitant à écarquiller les yeux. Le personnage le plus intéressant est celui de Martinez qui se sent supérieur aux maghrébins tout en étant lui-même méprisé par les métropolitains. Notons tout de même l’incongruité de la phrase « Nous autres, les pieds-noirs… ». Les Européens d’Afrique ne se désignaient pas sous cette dénomination, surtout pas à cette époque.
Enfin, clou du spectacle, la fin du film, copiée/collée de celle du soldat Ryan : les types se battent pour défendre un pont (quel rapport avec la mission de départ qui était de sauver l’armée américaine ?) et se font tous massacrer sauf un qui, bien sûr, 40 ans plus tard, retourne voir la tombe de ces anciens compagnons. Sauf que dans le cas du soldat Ryan, on n’avait pas hésité à embaucher un acteur supplémentaire pour jouer Ryan vieux ; en France, on est beaucoup plus fort, c’est Bouajila lui-même qui joue le rôle de son personnage âgé. Un jeu d’acteur poussif (qui consiste à faire des gestes lents et à trembler) et un maquillage invraisemblable font s’esclaffer le spectateur au moment qui devrait être le plus grave.