Voici un bel OVNI cinématographique qui mérite une attention particulière. Signé György Palfi, hongrois de son état, « Taxidermie », malgré son esthétique trash parfois criarde, sublime la crasse et le mal-être. Tout n'est ici que misère et frustration refoulée et le réalisateur, en prenant le parti-pris du grotesque et du subversif, arrive à rendre l'ensemble à la fois passionnant, effrayant et délicieusement révulsant. Le film se divise en 3 parties, chacune étant centrée sur une génération (le grand-père, le père, le fils) confrontée chacune à des démons différents à des époques différentes. Le premier de ces messieurs, c'est Morosgovanyi, lui, son démon, c'est une misère sexuelle totale qui le pousse à développer une passion morbide pour le feu et les animaux morts, dans un contexte crasseux de guerre de position. Le premier acte, qui peut s'analyser comme étant l'Origine, l'acte de procréation, annonce la couleur et laissera sans doute les spectateurs les plus sensibles et les plus cartésiens sur le carreau. Le deuxième personnage, c'est Kalman, un mastodonte au visage poupin, en quête obstinée de gloire et de reconnaissance à travers des concours d'empiffrement hautement écoeurants, dans un contexte de compétition interne au sein du Bloc Soviétique. Ce deuxième acte peut symboliser la vie, la recherche d'un sens, d'un but à atteindre, mais également de l'amour. Ce narcissisme démesuré, cette volonté tenace de se prouver quelque chose en repoussant ses limites, le transformera en un gros tas de gélatine incapable de se mouvoir tout seul. C'est ici que commence le troisième acte et l'entrée en scène de Lajoska, taxidermiste effacé mais de grand talent, en quête d'émancipation, de liberté, dans un Etat désormais libre et capitaliste (l'image du supermarché peut symboliser ceci), liberté qu'il trouvera dans la mort et le passage à la postérité, conclusion du métrage. Ce film hautement atypique est bourrée d'images de ce genre (après on y voit ce que l'on veut bien entendu), la notion de désir y est omniprésente, ce qui le rend intéressant à plus d'un titre. Un exercice de style audacieux et précieux mais dont le ton particulièrement cru (et le mot est faible) pourra aisément en rebuter plus d'un.