4sur5 Taxidermie est de ces films comme il n'y en a pas deux. Si on s'acharnait à le situer, il se trouverait quelque part entre un Groland sophistiqué, le Caro/Jeunet des heures les plus saugrenues et le John Waters première époque. Le récit est articulé autour d'une famille nourrissant un rapport assez complexe et déroutant à la chaire ; l'un en use pour assouvir ses pulsions, l'autre l'absorbe pour être reconnu, le dernier l'extrait pour ne garder plus que la peau. Taxidermie est découpé comme un tryptique, chaque portion du film se consacrant à un membre de la lignée (grand-père obsédé par le sexe/père par le succès/petit-fils en quête d'immortalité) ; c'est comme un film à sketches cohérent mais ou chaque fragment dispose de sa propre identité narrative et esthétique (le premier est surréaliste, le second décalé, le dernier plutôt glauque).
Palfi filme avec exubérance, se montre tour à tour cruel et condescendant ou emphatique avec ses drôles de personnages. Pour concocter cet espèce de reportage ubuesque, ou sont disséminés des gags visuels on ne peut plus gratuits (le coup du coq demeure un must d'humour slapstick), l'oeil de la caméra est, à l'exception notable du second segment et surtout dans le cas du premier, ''instinctif'' : il transcrit la réalité sans fards, dans toute sa trivialité et ses tentatives d'accès au sublime, et même les artifices -nombreux- de la mise en scène se mettent au service de cette cause. Parallèlement, la réalisation subtile et brillante (des enchaînements d'orfèvres pour marquer les trois paliers) contrebalance la loufoquerie débridée du propos, et apporte même un supplément de crédibilité à ce que beaucoup, sidérés par un spectacle aussi abracadabrantesque, pourrait réduire à un affront aux bonnes mœurs. Au contraire, les tranches de philosophie dégénérée de cette pépite burlesque et outrancière valident parfaitement l'existence du film et donnent un sens à sa démarche anticonformiste.
Dans cette oeuvre qui, au passage, louons-le, ramène le communisme à sa nature première : une sinistre pantalonnade, la quête de perfection et sa bestialité apparaissent irréconciliables, alors qu'elles ne cessent de vouloir fusionner dans une allégresse dionysiaque. C'est comme si les bases de l'Humanité demeuraient aussi incontournables qu'insaisissables, toutes les générations étant condamnées à se heurter aux mêmes difficultés élémentaires ou existentielles, aux mêmes obsessions primaires, quelque soit la forme qu'elles adoptent. Au final, la gloire et les succès éphémères et mondains semblent plus accessibles à cette lignée déglinguée que la paix intérieure.
Mais ne prêtons pas trop de vertus théorisantes à Taxidermie, son but premier n'y est pas. C'est avant tout une oeuvre profondément potache et originale, décomplexée au possible, un délire grotesque et décadent comme on en avait pas vus depuis les 80's et ses bisseries phares. Le cinéphage en mal d'immersions borderline aura sa dose d'excentricités, au-delà même de ses espérances : Taxidermie ne va rien lui épargner.
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