Film culte cité en référence par bon nombre de réalisateurs (Tarantino en tête), "Le Samouraï" reste, pour moi, une curiosité. Ce n’est pas que je trouve le film raté, c’est simplement qu’il m’a semblé qu’il s’agissait avant tout d’une œuvre graphique, voire d’une expérience sensorielle… ce qui est, pour moi, insuffisant. J’ai beau être sensible à la forme ainsi qu’aux détails qui nourrissent un personnage ou un récit, il n’en demeure pas moins que j’attends d’un film qu’il me fasse ressentir des émotions. Or, avec "Le Samouraï", j’ai l’impression d’avoir passé le film à attendre qu’il se passe quelque chose de surprenant. Certes, il y a Alain Delon, alors au sommet de sa gloire et de sa beauté, qui, pour une fois, propose une prestation très éloignée des jeunes premiers du début de sa carrière ou des durs à cuire monolithiques dont il a fait son fonds de commerce. Il est, ici, dans une économie de mots et de gestes impressionnantes et peut, de ce fait, travailler sa gestuelle comme rarement. C’es comme ça que son personnage est devenu un archétype si influent (le tueur solitaire, mutique et froid) dans la culture populaire, avec son nom (Jeff Costello, trop classe !), son imper, son borsalino, sa montre porté à l’envers… bref, avec un style ultra-travaillé censé compenser sa quasi-absence de dialogues. Il n’en demeure pas moins que, aujourd’hui, cette prestation parait trop limitée (à moins qu’elle n’ait été trop copiée depuis). Encore que j’aurais pu m’en contenter si le reste avait suivi. Tel n’est pas le cas. Je reconnais sans peine le soin apporté à la photographie et aux décors (mention à l’appartement de Costello) ainsi que le travail de Jean-Pierre Melville sur le rythme. Mais ces deux partis-pris (dont l’intérêt est de figer l’action dans une ambiance glaciale et morbide) ont pour effet de rendre le film incroyablement lent et froid. Et ce n’est pas le scénario minimaliste qui vient aider. Le film se perd, ainsi, dans une multitude de séquences muettes, exclusivement rythmé par le bruit d’un oiseau ou d’un pas.
L’exemple le plus symptomatique est la recherche du micro dans l’appartement de Costello, tellement longe qu’elle en est éprouvante
. De manière générale, j’ai trouvé que "Le Samouraï" avait une fâcheuse tendance à se prendre très au sérieux alors qu’il n’est, au final, rien d’autre qu’un (certes grandiose) exercice de style. On en oublierait presque les prestations (avec des dialogues eux !) de l’excellent François Perrier et, dans une moindre mesure, de Nathalie Delon et de Cathy Rosier. Sans doute suis-je passé à côté du "Samouraï". Sans doute aurais-je été plus enthousiaste au moment de sa sortie.