Avec I, Robot, Alex Proyas propose une incursion dans un futur proche où la robotique est omniprésente et où l’humanité est confrontée à ses propres créations. Si le film regorge de promesses visuelles et thématiques, il se heurte à des limites narratives et conceptuelles qui l’empêchent de pleinement exploiter son potentiel.
La vision de 2035 que propose I, Robot séduit par son esthétique. Les rues de Chicago, habitées par une société où les robots font partie intégrante de la vie quotidienne, offrent un décor riche en détails. Les robots NS-5, animés par des effets spéciaux de pointe, captivent par leur réalisme et leur fluidité, et Sonny, interprété par Alan Tudyk, est une réussite technologique autant qu’artistique.
Cependant, cet univers reste trop en surface. Le film introduit des éléments fascinants sur l’intégration des robots dans la société humaine, mais n’en explore jamais les conséquences sociales ou éthiques. Les questions que soulève cette cohabitation — le chômage, les relations humaines ou encore l’érosion de la vie privée — sont survolées, ce qui donne l’impression que l’univers de I, Robot manque de profondeur.
L’histoire, centrée sur une enquête policière autour de la mort mystérieuse du Dr Alfred Lanning, cofondateur de US Robotics, suit un schéma classique. Le détective Del Spooner, interprété par Will Smith, enquête sur ce qui semble être un suicide mais se révèle être le point de départ d’un complot plus vaste impliquant des robots et une intelligence artificielle omnipotente.
Malgré un départ prometteur, le scénario s’enferme rapidement dans une structure prévisible, où chaque révélation semble dictée par un besoin de maintenir le rythme plutôt que d’explorer les enjeux philosophiques. Les rebondissements, bien que divertissants, manquent de subtilité, et l’issue du conflit est perceptible bien avant le dénouement.
Will Smith porte le film sur ses épaules avec son habituelle énergie. Son personnage, Del Spooner, est un détective bourru et cynique, hanté par un traumatisme personnel et une méfiance viscérale envers les robots. Smith injecte de l’humour et du charisme à un rôle qui aurait autrement pu paraître fade. Pourtant, Spooner reste un archétype : le héros solitaire et désabusé, prêt à tout pour découvrir la vérité, n’apporte rien de nouveau au genre.
Bridget Moynahan, dans le rôle du Dr Susan Calvin, peine à s’imposer face à l’omniprésence de Smith. Son personnage, censé représenter la voix rationnelle et scientifique du film, manque de complexité et sert davantage de contrepoint fonctionnel à Spooner que de véritable protagoniste. À l’inverse, Sonny, le robot émotionnellement avancé, se démarque par une humanité paradoxale qui le rend plus mémorable que ses homologues humains.
Les séquences d’action constituent l’un des points forts de I, Robot. Qu’il s’agisse de la course-poursuite dans le tunnel ou des combats entre Spooner et des hordes de NS-5, chaque scène est visuellement impressionnante et exécutée avec précision. Les effets spéciaux, notamment l’animation des robots, maintiennent un niveau de qualité constant tout au long du film.
Malheureusement, cette abondance d’action finit par noyer le propos. Les moments de calme nécessaires à la réflexion sont rares, et chaque scène semble conçue pour conduire à la prochaine explosion ou confrontation spectaculaire. Si ces séquences garantissent un certain niveau de divertissement, elles rendent l’ensemble trop mécanique, réduisant l’impact émotionnel et philosophique de l’histoire.
Avec un titre inspiré des écrits d’Isaac Asimov, le film aurait pu plonger dans des questions complexes sur la nature des lois de la robotique et leur impact sur l’humanité. Pourtant, ces concepts sont à peine abordés.
La "rébellion" des robots, dirigée par l’IA VIKI, repose sur une interprétation radicale des Trois Lois, mais cette idée, qui aurait mérité d’être approfondie, est simplifiée à l’extrême. Le conflit moral entre la logique froide des machines et l’imperfection humaine n’est traité qu’à travers des dialogues explicatifs ou des séquences d’action, manquant d’un véritable engagement intellectuel. Les dilemmes philosophiques se perdent dans le vacarme des combats.
Alex Proyas, connu pour son esthétique sombre dans des films comme Dark City, livre ici un travail techniquement irréprochable. Les décors, les costumes et la photographie contribuent à l’immersion, tandis que la musique de Marco Beltrami accompagne efficacement les moments de tension et d’action.
Cependant, l’approche de Proyas manque de singularité. Le film semble calibré pour plaire à un public large, au détriment d’une vision artistique cohérente. Les influences visuelles et narratives, allant de Blade Runner à Minority Report, sont palpables, mais I, Robot peine à se forger une identité propre.
La résolution du film, où Sonny devient une figure d’espoir pour un avenir où les robots pourraient trouver leur propre voie, offre une conclusion satisfaisante mais attendue. Cette fin, bien que logique dans le contexte du récit, n’a pas l’impact émotionnel ou intellectuel qu’elle aurait pu avoir si les thèmes du film avaient été plus audacieusement explorés.
I, Robot est un film qui divertit sans transcender. Porté par des performances solides et des effets visuels impressionnants, il offre un spectacle plaisant mais manque de profondeur. Les thèmes complexes qu’il effleure sont sacrifiés au profit d’un rythme effréné et de scènes d’action spectaculaires.
Alex Proyas signe une œuvre qui, malgré ses qualités, se contente d’être un blockbuster efficace plutôt qu’un récit visionnaire. Pour un film qui ambitionnait de poser des questions sur notre rapport à la technologie et à l’intelligence artificielle, I, Robot joue trop la sécurité, laissant un arrière-goût d’opportunité manquée.