On retrouve Anne et Georges au pays des images, mais ici, au couple de bourgeois bon teint se substitue une famille plus bobo, tout aussi comme-il-faut : Anne féminise et littérarise la figure du jeune cadre dynamique, et Georges incarne la bonne conscience dans le moindre de ses euphémismes, dans la moindre des inflexions de sa voix. On retrouve le thème du regard cher à Haneke (jusque dans les détails : la « rue des iris » !), et beaucoup de ses procédés favoris : il faut avoir l'œil, et prêter attention à des détails – voir à cet égard la dernière scène, celle de la sortie du collège. (De façon générale, comme presque toujours chez Haneke, c'est au spectateur de fournir beaucoup d'efforts.)
Seulement – est-ce un genre d'« effet cinéma français » ? –, on s'ennuie plus dans "Caché" que dans "Le Septième Continent" (1989) ou que dans "Le Temps du loup" (2003). Ici, la répétition des scènes perd de sa force esthétique, peut-être parce qu'elle est diluée dans une double tentative : peindre un milieu (en l'occurrence le landerneau intellectuel parisien) et placer une aventure privée au sein de l'histoire collective – avec moins de réussite, à mon sens, que dans "Le Ruban blanc" (2009). La tension dans "Caché" naît d'emblée, et Haneke s'efforce de l'entretenir ; mais au bout d'une demi-heure, le crescendo s'interrompt, voire s'inverse. Bien sûr, quelques moments, dans la suite du film, relanceront la machine, mais jamais de façon durable : la mécanique Haneke, qui fonctionnait si bien dans ses films mentionnés ci-dessus, est en panne dans "Caché" – ce qui ne suffit pas, bien sûr, à en faire un mauvais film.