"Obsession" a longtemps été l'un de mes films préférés de Brian De Palma - même s'il ne saurait rivaliser en délire kitsch avec le sublime "Phantom of the Paradise", ni en rigueur "hitchcockienne" avec "Body Double", ni en perfection classique avec "l'Impasse" : simplement, ici comme nulle part, De Palma nous proposait un cours pratique sur l'application des thèmes et de la forme inventés par Alfred Hitchcock au cinéma "moderne" (n'oublions jamais que les années 70 ont marqué l'apogée et la mort du cinéma moderne, avant l'engloutissement dans le cinéma de divertissement qui a suivi au cours des années 80, et dont nous ne sommes pas - encore - sortis...). A partir du thème de "Vertigo" - et d'intuitions issues de "Rebecca" et du "Crime était presque Parfait" -, De Palma, assisté brillamment par Bernard Herrmann, décline donc fidèlement la syntaxe hitchcockienne pour en extraire une perspective différente, à la fois respectueuse de celle du Maître, et évidemment décalée. C'est ici le thème de l'inceste qui est introduit comme un poison au sein de la machinerie classique (au lieu de la nécrophilie, ce qui n'était pas mal quand même...), et qui fait dérailler le mélodrame classique vers un ailleurs innommable. Le jeu figé - et extatique - d'un Cliff Robertson, que De Palma semble manipuler à loisir, ajoute une froideur malaisante à un film qui use et abuse pourtant de ficelles mélodramatiques, tandis que Genevieve Bujold, dans son meilleur rôle, insuffle la vie, la passion et le désespoir au sein de la démonstration théorique de De Palma. Suivant son humeur, on adhérera ou non aux péripéties policières de l'intrigue, mais il est indéniable que là n'est nullement le sujet du film, tant De Palma expédie cavalièrement les aspects les plus "logiques" de son intrigue. Evidemment, vu depuis 2013, cette indifférence aux règles du spectacle désarçonne un peu, et fait que "Obsession" exige plus du spectateur actuel qu'en 1977, année de sa sortie.