Il faudrait vraiment un jour lister les réalisateurs qui s'inspirent d'Hitchcock. Nul doute que cette liste serait gigantesque quand on voit à quel point l'influence du maître du suspense est considérable. Ce qui est certain, c'est que Brian De Palma y trouverait sa place. Grand fan d'Hitchcock, et plus particulièrement de ''Vertigo'' (1958), De Palma va, dans sa carrière, réalisé une série de films qui prétendent être des hommages à Hitchcock. Tout cela commence avec ''Sisters'' (1973) puis ''Obsession'' (1976) avant de continuer avec ''Pulsions'' (1980) et ''Body double'' (1984). Mais, en voyant ces films, force est de constater que le terme ''hommage'' est un euphémisme : remake serait en effet un terme plus approprié. Car ''Obsession'' est carrément un remake de ''Vertigo''.
L'histoire peut grosso modo se rapprocher de celle ''Vertigo'' : Michael Courtland est un riche promoteur immobilier. Un soir, sa femme et sa fille sont kidnappées et une rançon est demandée. Le sauvetage organisé par la police tourne mal et se conclut par la mort de la femme et de la fille de Michael. 16 ans plus tard, lors d'un voyage à Florence, Michael rencontre Sandra Portinari, sosie de sa femme défunte. Il en tombe alors amoureux...
L'histoire est belle (scénario de Paul Schrader), il convenait de la filmer avec délicatesse. Car plus que l'intrigue policière, c'est l'intrigue amoureuse qui compte vraiment. Face à la très élégante silhouette de Cliff Robertson, Genevièvre Bujold est merveilleuse. Ce choix de Bujold donne un ton pour le moins étrange, quasi-féerique. ''Obsession'' est en fait un conte de fée très noir, à la violence latente et souvent hors-champ. Et De Palma dans tout cela ? Quand on connaît bien l'oeuvre du bonhomme (et pas seulement ses thrillers hitchcockiens), on pouvait craindre que ce dernier n'englue son histoire dans la virtuosité qui lui est propre. C'est-à-dire en multipliant les effets de caméra (esbrouffe ? Tout-à-fait!), en abusant du split-screen, en mettant des panoramiques (il y en a dans ''Obsession''). En effet, chez De Palma, seul le style compte (Siclier parlait de ''camera prima donna''). C'est pour cela pourquoi il ne sera jamais qu'un sous-hitchcock, lequel mettait sa technique au service d'une histoire. Chez Hitch, suspense naissait du scénario et de la manière dont il était filmé. Chez De Palma, la mouvance excessive de la caméra ''casse'' toute émotion. Et c'est là que ''Obsession'' fait exception et que De Palma surprend. A la différence de ''Sisters'', ''Pulsion'' et ''Body double'', ''Obsession'' est un film assez sobre où la virtuosité un peu vaine de De Palma s'efface derrière un romantisme absent des œuvres citées auparavant. Pas de longs plan-séquences interminables, pas de longs travellings... Certes, il aurait été souhaitable que le film se débarrasse d'effets encore trop voyant comme la photographie de Vilmos Zsigmond trop lumineuse et trop flou (sans doute pour souligner le côté conte de fée) ou la musique trop envahissante de Bernard Herrmann (évidemment le compositeur d'Hitch), mais De Palma a quand même atteint une forme de pureté. Une forme de pureté contrastant considérablement avec la vulgarité présente dans pas mal d'oeuvres de De Palma. C'en est d'ailleurs presque déconcertant car De Palma ajoute au film d'Hichcock un thème très subversif :
l'inceste. En effet, il est révélé que Sara est la fille de Michael et qu'elle n'est jamais morte. Michael tombe ainsi amoureux et couche (probablement) avec sa fille. Or, De Palma refuse (par pudeur ? Les débats sont ouverts !) de filmer l'accomplissement de cette transgression. Comme si l'horreur ne pouvait et ne devait pas prendre vie à l'écran.
On aurait presque envie de remercier Brian de ne pas user et abuser de ses péchés mignons : le tape-à-l'oeil et la vulgarité.
Qu'est-il donc arrivé à Brian De Palma ? Il est ici beaucoup plus calme, modéré et presque apaisé. Presque, seulement, car De Palma ne peut apparemment hélas jamais laisser passer tel ou tel coquetteries.
Mais la révélation finale, sujet à d'horribles représentations dans d'autres œuvres, est heureusement filmée sans obscénité. Quand à la scène finale, chacun est libre d'y voir une fin heureuse... ou pas.
Quoique qu'il en soit, ''Obsession'' est Le thriller hitchcockien à voir de De Palma.