Le MCU a occupé une grande partie du temps des acteurs qu'il a engagés, suscitant ainsi une interrogation légitime sur l’avenir de ces derniers. Certains, comme Robert Downey Jr., ont brillamment su s’émanciper de cet univers, notamment grâce à son rôle dans le dernier chef-d'œuvre de Christopher Nolan, qui lui a valu l’Oscar du meilleur second rôle. Tandis que le Capitaine América semble peiner à trouver des rôles à la hauteur de sa stature, son acolyte, Bucky, trouve quant à lui un chemin lumineux. En effet, Sebastian Stan, anciennement connu pour son rôle de Carter Baizen, incarne dans le dernier film du réalisateur iranien Ali Abbasi, une figure inattendue : celle du controversé Donald Trump. Ce film, qui s’inscrit dans la lignée du remarquable Les Nuits de Mashhad, semble moins vouloir raconter une simple biographie de Trump qu'offrir une réflexion acerbe sur l'Amérique à travers l'image de cet homme devenu, au fil des années, le symbole même de la corruption et de la décadence politique.
À travers son prisme, Ali Abbasi dépeint une Amérique aux mains de puissances obscures, attachées à un système capitaliste où les compromis, les pots-de-vin et les chantages sont monnaie courante. Trump, jadis un jeune homme innocent, apprend aux côtés de son mentor – un avocat véreux magistralement interprété par Jeremy Strong – les ficelles de la corruption, car, comme le film le suggère, aux États-Unis, le pouvoir se tisse dans l’ombre de ces pratiques. Trump, dans cette mise en scène, apparaît presque comme un enfant sans talent ni originalité, une silhouette sans éclat, dont la réussite ne résulte que de l'aide d’un homme plus puissant. L’image qui en ressort est celle d’un opportuniste un peu dénué, dont l’ascension semble le fruit d’une chance incertaine, ou d’un simple coup de pouce d’un mentor bien plus brillant.
Le personnage de Trump, dans cette version, est l’antithèse de l’homme de génie : il se retrouve constamment confronté à un vide créatif, tel un écrivain sans plume, perpétuellement assiégé par le syndrome de la page blanche. Lorsqu’on lui demande, en fin de parcours, ce qu’il souhaiterait que l’on écrive dans sa biographie, sa réponse est sans détour : rien, à part l'ambition de toujours étendre son empire, sans aucune vision claire ni objectif précis. Un désir de reproduction, de perpétuation d’un modèle imposé par la société des puissants. Cette quête, si banale, pourrait susciter une forme de sympathie chez le spectateur, mais il n’en est rien. La figure de Trump, tel qu’elle est sculptée par Abbasi, n’est ni sympathique ni séduisante. Elle apparaît comme celle d’un homme égoïste, vénal, imbu de lui-même, obnubilé par la gloire et l’argent, mais aussi profondément ingrat – même envers celui qui l’a fait émerger. La violence sous-jacente de son caractère se dévoile à travers sa tentative de viol sur sa femme, ainsi que son ingratitude manifeste envers son mentor. Il devient ainsi le prototype de l’opportuniste cynique, sans grande envergure, et l’un des plus banals produits de cette Amérique corrompue.
Il est difficile de ne pas être frappé par la caricature, presque absurde, de cette figure publique, qui semble tout sauf un monument. Trump n'est pas l'homme de pouvoir qui a marqué l’Amérique par son génie ou son leadership. Non, il incarne une personnalité ordinaire, presque insignifiante, qui n’a atteint le sommet que par l'entrelacement de la corruption et du soutien des autres. Il est un pur produit d’un système que l’on voit ici parfaitement exposé : celui d’une Amérique rongée par des forces qui favorisent l'arrivisme et l’égoïsme. Mais, en fin de compte, Trump n’est qu’un homme perdu, d'abord innocent, dénué de talent, mais qui, dans sa quête d’affirmation, a fini par devenir un monstre égoïste, avide et cynique.
Il serait injuste de ne pas mentionner la performance exceptionnelle de Sebastian Stan. Il incarne Trump avec une intensité et une finesse qui frôlent la révélation. Un acteur qui, après avoir quitté le MCU, réussit à se libérer de l’ombre de son précédent rôle pour déployer un talent bien plus profond. Sa prestation mérite amplement l’Oscar du meilleur acteur, tout comme celle de Jeremy Strong, magistral dans son rôle de mentor, qui se voit ici un prétendant tout aussi légitime à l’Oscar du meilleur second rôle. Ce film, et ces performances, démontrent que les acteurs du MCU ne sont pas destinés à se limiter à des rôles figés dans un univers préétabli. Au contraire, ils s’épanouissent ailleurs, et le spectateur ne peut qu’applaudir leur capacité à surprendre et à exceller