Depuis le début des années 2010, il semble que l'on puisse dire, sans trop se tromper, que peu de personnalités politiques auront été aussi clivantes que Donald Trump. En peu de temps, quelques mois/années, l'homme à la chevelure jaune s'est hissé avec brio à la tête du Parti Républicain, a balayé ses oppositions, obtenu une célébrité importante via son utilisation efficace des outils de communication modernes, et est parvenu, contre toutes attentes, à devenir le 45e président des Etats-Unis - imprimant une marque indélébile dans l'histoire récente de son pays, et même du monde, si on compte ses initiatives diplomatiques encore très actuelles. Connu pour son implication dans nombre de scandales, raillé pour ses innombrables frasques, perçu comme une menace pour la "démocratie" américaine - je mets les guillemets car, soyons honnêtes, elle n'a de démocratique que le nom - Trump et/ou ce qu'il représente, symbolise pourtant tous les excès de l'Amérique contemporaine. A ce titre, il ne laisse personne indifférent. C'est certainement le but du bonhomme : Peu importe comment on en parle, l'important, c'est qu'on en parle ! Ses idées à part, pourtant, qui est-il vraiment ? De la série Netflix "Trump : un rêve américain", ressortait beaucoup l'idée d'un personnage - c'est un personnage - à forte personnalité, ayant du "génie" en lui ; pas un idiot, donc ; n'importe qui ne devient pas président de la première puissance mondiale. Son portrait se voulait nuancé ; tel est le but d'un documentaire. Mais le spectateur moyen devait cependant en ressortir avec un sentiment plus positif à son égard, un sentiment allant à l'encontre de l'image communément propagée par les grands médias d'information. Trump n'est pas juste un huluberlu, c'est quelqu'un qui sait ce qu'il fait. Il est entouré et ne laisse rien au hasard ; c'est un homme puissant. Et s'il y a bien un point sur lequel The Apprentice vise juste, c'est celui-ci. Résumé succinct des principaux épisodes de sa vie, le film d'Ali Abbasi est un excellent divertissement usant de Trump - campé par un Sebastian Stan transformé pour le rôle - comme d'un prétexte pour se plonger dans l'univers écœurant des ultrariches, ces gens pétés de thunes qui se foutent du monde et se croient au dessus des lois. The Apprentice raconte en fait tout ce qui dépasse l'imagination du commun des mortels. L'ascension de Donald Trump dans ce milieu du luxe à en crever et du superflu fourni une base parfaite pour mener une réflexion sur le caractère corrupteur du pouvoir. Naturellement, tout est absolument déconnecté de toute réalité terrestre ; tout est hors sol. A l'exception de quelques scènes ou la situation de souffrance des petites gens surgit, comme éclatant tel le bouton d'une fleur dont les pétales s'ouvriraient brusquement, The Apprentice ne déraille jamais de sa cible première : Montrer le n'importe quoi de ce milieu, et la lente mais non moins certaine dérive du principal intéressé, progressivement grignoté par l'appât du gain et du pouvoir. Il ne passe pas de l'état de "gentil" à "méchant" ; il n'y a pas de gentils à proprement parler dans The Apprentice ; seulement des gens aliénés par leur fric et des considérations déplorables. Trump évolue donc - d'un petit bourgeois fils à papa très relativement dans les clous, il devient un véritable criminel en col blanc méprisant les lois, qui utilise les êtres humains comme s'ils étaient ses choses. Le tableau a de quoi faire frémir ; c'est l'arrière cuisine des hautes sphères. L'Être humain est donnée négligeable, seul compte le profit et le pouvoir. Ecraser, dominer autrui afin de parasiter ce qui peut l'être, mais le faire en proclamant que c'est au nom d'un bien supérieur, d'une juste cause, telle est un peu la morale de cette "victoire à la Trump". Il n'est pas qu'un représentant de sa caste, il en est la personnification.