Tellement de choses à dire sur ce film tellement il est visuellement et monstrueusement riche. C'est une belle claque que j'ai pris, et il y a bien longtemps que je n'en ai pas eu du même niveau pour une réalisation française (depuis le film Titane sans doute dans le genre...)
Le film The Substance est tout d'abord un régal pour tous les passionnés de cinéma, avec des références et clins d'oeil à des scènes et films cultes, comme Matrix, Shining et même Alien, mais surtout une réalisation très inspirée qui prend quelques inspirations ici ou là, on peut citer Las Vegas Parano, Enter the void et bien sûr Requiem for a dream avec ces plans macros à la fois très stylisés et anxiogènes, et ces montages de plans successifs très rapides soutenus par du sound design qui était une marque de fabrique très fort du film de Darren Aronofsky.
J'ai adoré la photographie du film, très précis, extrêmement visuel avec des repères visuels graphiques récurrents qui permet une grande lisibilité sur l'action, des décors très caractérisés, avec des plans cadrés très géométriques, des top shots soignés, des surcadrages bien pensés pour isoler l'actrice dans sa descente aux enfers, et surtout une utilisation très intelligente de la couleur bleu et rouge omniprésentes dans le film et opposées l'une à l'autre tout au long du film que ce soit dans les décors, costumes, accessoires (là encore petit clin d'oeil à Matrix), chacune des deux couleurs symbolisant la dualité Sue/Elisabeth Sparkle.
La progression psychologique, anxiogène et oppressive se fait crescendo, avec un final qui va sans doute en marquer plus d'un. La conclusion relève presque même d'un sentiment de parodie du genre, tant le curseur est volontairement placé à l'excès, mais qui va de pair avec le processus et mécanisme de plus en plus destructeur de la prise de la substance. Si le
flot continu et interminable de sang projeté sur le public
semble grossièrement et abusivement gratuit, il n'est pas sans rappeler que le public lui-même participe à ce système de valorisation de "la beauté jeune" et qu'ils ont aussi leur part de responsabilité dans le mécanisme d'auto-destruction, surtout à l'heure des réseaux sociaux et remarques critiques sur le physique des stars qui se fait de plus en plus facilement et de façon totalement arbitraire et décomplexée. J'ai adoré en tout cas l'ouverture et la fermeture bouclée sur le walk of fame, et la force du message envoyé à Hollywood.
Le scénario est vraiment bien écrit (son prix à Cannes n'est pas volé !) avec beaucoup de thématiques effleurées et développées en surface et sous-texte. J'ai souri devant des détails superflus comme les casiers de livraison (façon Amazon Lockers) bien représentatif des circuits de ventes d'aujourd'hui via internet, et des plans "unboxing" de chaque colis, très évocateur également du monde de "l'influence". Mais c'est surtout le message du film qui est impactant. Celui de devoir s'accepter tel que l'on est, quelque soit l'âge, et de ne pas répondre ni participer à cette quête perpétuelle du "rester jeune en apparence" pour avoir le droit de poursuivre sa carrière d'artiste. Le message fort est envoyé à l'industrie du cinéma, aux réalisateurs et directeurs/rices de casting, qui, on le sait, ont la triste tendance à ne plus appeler du jour au lendemain les actrices dès lors qu'elle dépasse les 40-50 ans, ou encore cette mode aberrante de confier des rôles de femme mature à des actrices beaucoup plus jeune en âge que l'âge qu'affiche pourtant le rôle, sous prétexte que les femmes actrices d'un certain âge ne vaudraient plus rien, et que les rides sur un visage ne seraient plus "bankable". Une pierre lancée également à cette obsession de la chirurgie esthétique pour palier les marques des premières rides... sans se rendre compte que l'excès à "un retour aux normes" d'une certaine vision de la beauté est en réalité une auto-destruction totale et irréversible. Ce film est vraiment puissant en ce sens et délivre un beau message qui doit mener vers une acceptation de soi quelque soit l'âge, et surtout permet de dénoncer effroyablement les pratiques du milieu du spectacle et cinéma...
Le casting, justement, est magnifique, avec le retour en force sur grand écran de Demi Moore (61 ans !) et d'une Margaret Qualley (30 ans) incroyable et même envoûtante ! On ne peut pas non plus ne pas souligner le travail exceptionnel en maquillage FX de Pierre-Olivier Persin ! Quel travail monstrueux que cela a demandé. Très peu d'effets visuels numériques sont employés. On s’écœure devant des scènes plus réalistes les unes que les autres, et cela est rendu possible grâce à une précision d'orfèvre réalisée en amont et sur le tournage pour pouvoir filmer (en gros plan) des détails de peaux, cheveux, veines, et les rendre parfaitement réalistes. De quoi de nouveau trouver frustrant et rageant qu'aucune catégorie officielle n'existe au Cesar pour récompenser une telle ambition créative de maquillage qui demande du talent bien sûr, mais aussi de la recherche et du développement pour pouvoir concrétiser les idées créatives et ambitieuses de la réalisatrice tout en optimisant le travail de l'équipe de tournage et rendu artisitque !! Ce genre de film devrait rendre obligatoire la création d'une catégorie maquillage/coiffure tellement ils en sont les ambassadeurs ! Les films de genre de plus en plus nombreux en France, vont, je l'espère, permettre de concrétiser cette réelle nécessité très bientôt !!
Bref, je pourrais encore m'épancher davantage sur ce film, tellement le boulot créatif et l'ambition de Coralie Fargeat est magnifique sur ce film !! J'avais déjà perçu le potentiel incroyable dans son premier film "Revenge" qui avait déjà une patte et un caractère unique dans sa réalisation, ce deuxième long-métrage de plus grand envergure, confirme le talent et ce nouveau bijou du cinéma français qu'incarne cette réalisatrice. Quelle fierté d'avoir ces talents en France, et encore une fois, il faut encourager la production des films de genre en France, car on est bon dedans, et, en plus de trouver leur place dans les festivals et cérémonies, ils trouvent également de plus en plus leur public, ce qui est une excellente nouvelle !
Ne me faisant pas de soucis sur le fait que The Substance va rafler bon nombres des Cesars 2025...., j'ose m'avancer sur le fait qu'il est tout à fait taillé sur mesure pour être dans la course aux Oscars en outsider... tous les ingrédients marketing et visuels sont en plus là. Je vois déjà les parodies possibles dans les late show ! Alors, show must go on et cocoricooo !!!