C’est peu dire que l’on n’attendait pas Jacques Audiard avec une œuvre comme celle-ci. Habitué des drames intenses voire des tragédies (les sublimes « Sur mes lèvres » ou « De rouille et d’os »), il nous avait néanmoins surpris il y a trois ans avec son très beau western naturaliste « Les frères Sisters ». Et le voilà, sélectionné à Cannes cette année, avec une chronique en noir et blanc sur la jeunesse d’aujourd’hui. Et dire qu’elle est sacrément en accord avec son temps serait un euphémisme. Il croque les jeunes (la tranche qui couvre la fin de vingtaine et le début de trentaine) avec une acuité et une objectivité qui confinent à la perfection. « Les Olympiades », sous ses allures superficielles, ausculte cette catégorie d’âge avec beaucoup de perspicacité, de simplicité et de sincérité.
Son noir et blanc donne un certain cachet au film même s’il faut avouer que cela n’apporte pas de réelle valeur ajoutée au long-métrage. Petite facétie ostentatoire sans réelle utilité donc mais qui le rend plus singulier. Audiard choisit également de filmer un quartier de Paris rarement montré au cinéma, en l’occurrence le XIIIème arrondissement, et il magnifie son côté anodin en en faisant presque un personnage à part entière. Toujours sur l’aspect formel, la bande originale est un plaisir pour les oreilles, une sorte d’electro chill que ne renierait pas Air ou Worakls et lui donne un aspect évanescent du meilleur effet. Et si on peut encenser une autre chose, c’est bien le naturel incroyable du quatuor de jeunes acteurs que le cinéaste a enrôlé. Si Noémie Merlant est de plus en plus présente et impressionnante dans le paysage cinématographique français (le flamboyant « Portrait de la jeune fille en feu » mais aussi sa composition impressionnante de transgenre dans « A good man »), les trois autres jeunes acteurs, quasiment inconnus, forment avec elle un ensemble de casting empli de fraîcheur.
« Les Olympiades » fait presque Nouvelle Vague réactualisée et le film n’a pas son pareil pour nous parler des choses simples et à priori insignifiantes de la vie comme les faisaient les artistes de cette mouvance phare du cinéma français d’antan. Et toutes ces petites choses de fond comme formelles le rendent finalement bien plus rare et original qu’il n’y paraît. Ici on nous parle de l’insatisfaction amoureuse, des barrières sexuelles abolies, de la puissance et la bêtise des réseaux sociaux mais aussi des hésitations professionnelles. De la vie courante en somme. Un peu comme le récent film norvégien « Julie (en 12 chapitres) », cette œuvre en forme de récréation légère pour Audiard développe beaucoup de charme avec humilité et sincérité en dépit de ses quelques affects et prises de risques formelles. Un joli moment en apesanteur qui fait du bien et dont on ressort avec le sourire. Qu’Audiard continue à s’essayer à d’autres genres (pourquoi pas le film d’horreur à la Ari Aster), il ne cesse de nous surprendre.
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