Après un excellent premier volet, "Joker: Folie à Deux" avait une lourde tâche sur les épaules, celle de fournir une suite aussi satisfaisante que l'œuvre originale. Une mission extrêmement complexe, étant donné que le premier épisode n'appelait pas vraiment à un deuxième opus. Cela dit, il est sorti, et il est donc venu le temps de tirer un bilan de ce projet. De mon côté, j'ai mis du temps avant de me poser pour mettre en forme mon avis sur le film, et cela, pour deux raisons différentes. La première étant simplement que le long-métrage m'avait beaucoup fait cogiter et que j'avais donc besoin de beaucoup de reculs pour clairement me décider sur ce que je pensais de lui. Mais la deuxième étant en lien avec les avis beaucoup trop exagérés que j'ai pu voir sur le film depuis sa sortie, car ils m'ont fait me poser beaucoup de questions sur la manière dont les spectateurs de cinéma analysent les projets qu'ils regardent. En me renseignant bien, j'ai vu 3 types de réactions différentes. Déjà, il y a ceux qui sont déçus de ne pas avoir retrouvé un film aussi bon que le premier. Les avis sont parfois un peu extrêmes par rapport à cette raison, mais je peux encore l'accepter, car il est vrai qu'il est moins bon que son prédécesseur. Ensuite, il y a ceux qui n'étaient pas au courant que le film était une comédie-musicale et qui le rabaissent uniquement pour cela. À mon sens, c'est une raison que je trouve complètement stupide. Bien que l'aspect de la comédie-musicale ait ses défauts au sein du film, on ne peut pas enterrer ce dernier juste par son genre. La comédie-musicale est un style à part entière, et même si je ne suis pas un immense fan de ce style, je reconnais que c'est un genre intéressant et avec beaucoup de qualités. Au sein de ce projet, je comprends l'idée sur le plan factuel. Déjà, car cela n'est pas en désaccord avec le personnage, lui qui dansait beaucoup lors du précédent film et qui aimait se donner en spectacle. Mais aussi, avec cette envie de représenter la folie des sentiments amoureux, entre Harley Quinn et le Joker, via ce procédé. Pour le coup, on va chercher Lady Gaga pour interpréter le rôle de cette dernière, ce qui donne du crédit à l'ensemble. Elle se débrouille aussi bien en tant qu'actrice qu'en tant que chanteuse, elle était donc parfaite pour le rôle. Et pour le coup, ses interprétations sont justes, elle fournit des performances de qualité. Et c'est de même pour Joaquin Phoenix, j'ai été très surpris de le voir aussi investi pour quelque chose qui n'est habituellement pas dans ses cordes. Beaucoup de séquences de ce style sont donc très bonnes, avec des choix de mise en scène, de photographie et de décors de qualité. C'est toujours très imagé, avec ce style de lumière très légère où la pénombre domine. On utilise les pensées et la divagation de l'esprit du Joker pour offrir des scènes très débridées de ce type, et c'est assez plaisant à voir. Maintenant, et je veux bien le reconnaître, cet aspect est bien trop présent au sein du long-métrage. Il y a beaucoup trop de scènes de chants, cela en devient rapidement redondant. On perd un peu cette rareté dans ces séquences, et plusieurs d'entre elles sont donc très oubliables. Et c'est dommage comme résultat, car en insistant trop sur celles-ci, on ampute également le rythme du film. Parfois, il est vrai que le récit a du mal à avancer, et c'est plutôt pénalisant. Mais malgré tout, je maintiens ce que j'ai dit sur l'idée de base. Je trouve cela dommage que beaucoup de spectateurs n'aient pas eu cette ouverture d'esprit pour les comédies-musicales, peu importe le résultat qui est proposé. Et cela va de même pour le dernier point, car il est le plus problématique quant à l'appréciation du film. J'ai beaucoup de mal à prendre au sérieux les avis négatifs des spectateurs qui n'ont même pas compris le premier oups. Toutes les personnes qui sont sorties du premier épisode en pensant que le Joker était un modèle, qu'il pouvait leur ressembler et qui se reconnaissaient en lui, n'ont pas compris le film. Au maximum, on pouvait ressentir de la peine pour lui, c'est une évidence, car il est présenté comme un homme victime de son environnement. Mais sa réaction à cela, sa vengeance, était tout sauf à prendre comme un exemple. Et cette impression, Todd Phillips l'a totalement compris, et il a potentiellement été très mal à l'aise de voir que les gens n'avaient pas compris son projet. Par conséquent, il a fait en sorte que ce deuxième opus soit une réponse totale à ces réactions. Une décision un peu suicidaire, et qui n'est pas toujours très bien faite, mais qui me plaît sur le principe. C'était très osé, et cela se ressent énormément dans la structure du scénario. Tout le film se concentre sur cette perception que nous avons de ce personnage, ce qu'il est vraiment. Est-il Arthur ou le Joker ? Et j'aime cette idée de jouer davantage sur le côté psychologique de ce dernier, sachant que c'était déjà posé comme des bases dans le premier avec sa maladie mentale. Mais aussi, sur le fait de déconstruire l'image du Joker, car c'était aussi l'idée du premier : faire un film sur l'image du Joker, ce qu'elle renvoie au sein de notre monde actuelle. Ici, l'idée était donc que le Joker se rende compte de son image actuelle, des conséquences du premier opus. Le but était de montrer les limites de l'adoration de ce personnage, et c'est là que le propos par rapport à la réaction réelle des spectateurs est intégré. Cela est symbolisé par le personnage d'Harley Quinn, qui est aveuglé par le Joker, mais qui ne comprend pas le fond de sa personne. Et donc, toute l'idée de ce procès pour essayer de définir qui est vraiment coupable (le Joker ou Arthur), et si le Joker existe vraiment, prend sens. Et c'est vrai que cela peut surprendre, parce qu'on va à l'opposé de ce qu'inspire le personnage du Joker en tant normal. Mais globalement, où est le problème ? Le Joker est un personnage qui a eu des dizaines d'interprétations, c'est un antagoniste de fiction. Alors, pourquoi ne serait-il pas intéressant de déconstruire son personnage ? Moi, je trouve cela intéressant de réfléchir sur qui il est, et sur comment il pense. Qui est-il ? Arthur ou le Joker ? J'ai adoré cette idée, et j'aime donc beaucoup la relation qu'il a avec Harley Quinn, car cela reflète ce principe de la relation para-sociale, de l'adoration de ce dernier. Cependant, je suis d'accord pour dire que le développement de cette dernière est très léger, elle a peu de moments intéressants, son personnage semble vide. C'est dommage, car elle est intéressante du point de vue de la thématique suggérée, mais pas dans son caractère. Maintenant, comment est traitée cette idée à la fin ? Comment le film réussit à conclure et à départager la complexité de ce personnage ?
Le final est à double tranchant, et il a autant de bons points que de mauvais. J'aime la séquence finale du procès, elle est très bien filmée avec un sublime plan-séquence, et elle est osée dans son contenu. Surtout, parce qu'elle démontre bien une réaction qui s'avère encore réelle, au vu des retours des gens à ce film. Les gens adorent le Joker, et il ne supporte pas que l'on touche à son image, et c'est exactement ce qui se passe lors de cette fin. La mort du Joker était peut-être dure, mais elle symbolise énormément. Dans le premier film, il tue et engendre l'adoration pour le Joker. Ici, l'adoration du Joker vient le tuer. J'aime beaucoup la symbolique et l'idée, même si j'ai quelques soucis avec cette scène, notamment dans cette idée de l'enfant. Je ne comprends pas ce que cela vient faire là, et je trouve que cela diminue énormément l'impact de la scène.
Par conséquent, je peux comprendre que les gens ont trouvé que cette suite était moins bonne. Il y a des soucis, notamment de rythme, mais aussi dans l'utilisation du personnage d'Harley Quinn et dans certaines façons de développer sa thématique. Mais, à l'inverse, j'aime toute l'esthétique du film, j'aime plusieurs séquences musicales, j'aime l'audace du film et j'aime son idée de thématiques. Certes, tout n'est pas parfait, mais ce serait hypocrite de considérer ce film comme l'un des pires de son registre. Oui, il a des défauts, mais il a aussi beaucoup de qualités. Pour conclure, un projet qui n'est pas assez considéré pour ce qu'il est.