Une réalisation sobre et qui prend son temps pour filmer plusieurs séquences de vie de Cassandre, une hôtesse de l'air qui a choisi ce métier pour fuir la récente perte d'un proche. La première séquence du film nous montre que le désir profond de la compagnie aérienne n'est pas la satisfaction de ses clients, ni que ses employés soient dans les parfaites conditions de travail, mais qu'elle puisse s'enrichir sur les bénéfices de la ventes de snacks, de cafés et de quelconques parfums que les employés doivent essayer ardemment de vendre aux passagers des vols. Notre représentation du métier d'hôtesse de l'air est donc tout de suite remis en perspective. Là où l'on pouvait penser que le sens de l'accueil et de l'écoute étaient les qualités les plus importantes du métier, le film nous indique finalement que ces travailleurs ne sont que de vulgaires vendeurs de coca dans les airs, brandissant leurs TPE à des familles qui souhaitent acheter un parfum en réduction. La dynamique capitaliste est donc omniprésente puisque qu'elle se trouve même dans les cieux et dans un endroit (un avion) où finalement l'objectif de voyager est de se dégager des injonctions productivistes et de consommations. Et même quand on veut consommer, cela doit respecter la chartre de consommation, balayant le peu d'empathie qu'il pouvait rester
(en référence au fait que le personnage de Cassandre paye un flacon d'alcool à une passagère enclin à une profonde tristesse, acte qui lui sera reproché par son supérieur)
. Finalement, Cassandre a fui le drame familiale et qu'elle aurait subi quotidiennement en choisissant le métier avec le moins de stabilité et d'attache possible. Elle enchaine les vols, les pied-à-terre, les boites de nuits, les coups d'un soir, comparable à la dynamique d'une personne boulimique qui ingèrent pour remplir un vide interne. Les rencontres ne se font que par des applications de rencontre et lorsque rencontre il y a, elle n'est que de courte durée puisque Cassandre est rappelé par ses obligations professionnels. Elle a donc fui sa famille mais fui aussi toute personne avec qui elle peut partagé un peu d'intimité afin de ne pas trop s'attacher car aimer c'est savoir que cet amour n'est pas éternel, que l'autre nous quittera un jour. Une de mes séquences préférées est lorsque Cassandre est à l'étranger et qu'elle reçoit un coup de téléphone de la part d'Orange lui demandant si elle souhaite changer de forfait, et si cela est le souhait de Cassandre, elle lui indique que c'est sa mère qui doit faire les démarches. Nous sommes donc face à un retour à la réalité, au retour du deuil qui avait été renié jusque là. Adèle Exarchopoulos subit de plein fouet le retour de la perte, laissant couler quelques larmes avant de contenir complètement ses sentiments et sa tristesse. C'est un jeu d'acteur subtil mais parfaitement maitrisé, d'une grande justesse, laissant le spectateur immergé dans l'émotion transmise par la scène.
Le film étant en deux parties, la première s'intéressant à son métier d'hôtesse de l'air, la seconde est le retour de Cassandre chez son père. Le film se permet d'adopter ici des séquences un peu plus longues (au contraire de la première partie dont j'ai l'impression que les séquences s'enchainaient plus rapidement puis adoptaient une structure similaire à savoir travail- pied-à-terre - coup d'un soir/boîte de nuit puis re-travail), afin de pleinement ressentir la dynamique entre les membres de la famille. C'est alors que Cassandre se confronte pleinement à la perte, elle en prend conscience, et c'est alors que le travail du deuil peut vraiment commencer. Finalement, le personnage continuera à être une hôtesse de l'air qui vendra des babioles dans l'avion comme un homme vend des churros sur la plage, mais nous savons que son deuil est en train de se faire et qu'elle ne choisit pas ce métier pour fuir.