Les conditions sanitaires ont contrarié la sortie initiale de « 5ème Set » et elles ont peut-être, paradoxalement rendu service au premier film de Quentin Reynaud qui, du coup, sort sur les écrans après un chouette tournois de Roland Garros, ce qui peut lui attirer des spectateurs. Franchement, il faut savoir que « 5ème Set » est un premier film car la première chose qui saute aux yeux, c’est la qualité de la réalisation. Je l’ai déjà dit plein de fois, filmer le sport au cinéma est terriblement difficile. Cela peut paraitre paradoxal vu que la télévision sait très bien le faire, mais souvent le cinéma a bafouillé devant le sport. Dans le cas présent, il s’agissait pour Quentin Reynaud de filmer un sport hyper maitrisé par la télévision : le tennis. Reynaud a choisi de varier son approche : il filme les points en caméra rapprochée, nous fait vivre les échanges comme si nous étions Thomas Edison, ou comme si nous étions son adversaire. Il arrive par ce biais à rendre compte de la vitesse de la balle, de la longueur du court, chose peu évidente à évaluer devant sa TV. Le score apparait sur fond noir, sans fioriture, il n’en faut pas davantage pour marquer le suspens. Le match final, qui prend à lui seul pas loin des 20 dernières minutes du film, est censé être télévisé. Alors Quentin Reynaud en profite : il continue de filmer les points à hauteur de joueur mais aussi parfois hors champs au travers des yeux et des réactions des spectateurs, voire des téléspectateurs. Et puis, le dernier jeu est filmé intégralement « à la France Télévision », avec les commentaires et les ralentis. Les trois méthodes combinées rendent les matchs, et notamment le dernier, aussi palpitant qu’une demi-finale Nadal/Djokovitch : on est cloué sur son fauteuil et on souffre avec les joueurs comme si on était sur le court. C’est du très beau boulot de réalisateur, pour un premier film c’est assez remarquable. Surtout que le film ne manque pas d’autres qualités hors les scènes de matchs, la photographie est soignée, les plans sont bien réfléchis et je souligne l’importance que Quentin Reynaud a accordée au son. Déjà sa bande originale est parfaitement intégrée aux images mais surtout, il accorde un soin tout particulier à ce qu’on pourrait appeler les « son parasites » : les réminiscences d’un souvenir sonore, les clameurs du court mitoyen qui déconcentrent, le bruit sec de la balle. « 5ème Set » est un film dans lequel le son prend une vraie place et ce n’est pas si souvent. Même si les seconds rôles sont parfaits, celui de Kristin Scott Thomas et d’Ana Girardot étant si bien écrits qu’on pourrait presque développer un film sur leur personnage (notamment Eve, l’épouse qui a arrêté sa carrière et dont on sent qu’elle s’est sacrifiée pour Thomas, et pas toujours pour le meilleur), c’est la performance d’Axel Lutz qui va mette tout le monde d’accord. J’imagine qu’il est doublé sur le court, mais c’est tellement bien fait qu’on oublie complètement ce paramètre au bout de deux minutes. Il est formidable, faisant passer par le regard toutes les émotions possibles, la rage de vaincre, la souffrance physique, le désarroi du sportif en fin de carrière, la peur du vide, tout simplement. Affuté, hyper impliqué dans son rôle, faisant passer toutes les émotions sans jamais en faire un once de trop, il est parfait et parfaitement juste et il signe une performance de haute volée. Lutz est un acteur qu’on aurait bien tort de cantonner à un style ou un autre, il est capable de tout jouer et il le prouvera encore. Le scénario de « 5ème Set » a plein de qualité mais la première, c’est d’évoquer un sujet bien peu traité par le cinéma : le sport de haut niveau, son ingratitude, et la souffrance physique et psychique qui l’accompagne. Je me souviens avoir évoqué cela au travers d’un des personnages des « Crevettes Pailletées » qui avait des soucis avec la presse, et avec sa fédération et m’être dit que cela aurait pu faire l’objet d’un film entier. Et bien le voilà, ce film que j’espérais sur ce sujet, et le scénario ratisse large : souffrance physique, souffrance psychologique, parents sur impliqués à la limite du toxique, dureté incroyable des médias sportifs, relations complexes avec l’argent et les sponsors, rivalités plus ou moins saines avec les adversaires, difficulté à envisager la reconversion quand on a tout sacrifié, sacrifice professionnel et personnel du conjoint, etc… On sent que Quentin Reynaud (car en plus de réaliser et d’incarner l’entraineur de Thomas, je crois bien qu’il est à l’écriture du film) veut traiter son sujet de manière large et ne pas se contenter du drame d’un homme face à sa raquette. Il n’y a qu’un seul absent au tableau, la fédération française de tennis dont on se demande, quand on voit « 5ème Set », à quoi elle peut bien servir à part encaisser les licences !
Si on excepte une scène finale terriblement frustrante et une fin qui n’en n’est pas une tout en en étant une (il faut voir le film pour comprendre cette phrase !)
, je ne vois pas grand-chose à redire sur « 5ème Set » dans son ensemble. Sans être un chef d’œuvre, « 5ème Set » est malgré tout un film de grande, de très grande qualité. Il marquera peut-être, l’avenir le dira, un tournant dans la carrière d’Axel Lutz.