Aujourd’hui, on peut quand même se dire que « Traffic » était une jolie anomalie dans le paysage cinématographique américain. Un budget confortable pour l’époque (près de 50 millions de dollars), et une distribution solide. Pour un scénario complexe et un film politique, en partie tourné en espagnol !
En effet, « Traffic » s’intéresse à trois histoires autour de la drogue, qui vont se croiser régulièrement. Un policier mexicain qui se rapproche d’un général excentrique, décidé à faire tomber un cartel. Un juge conservateur qui va prendre la tête d’une administration anti-drogue… avant de se rendre compte que sa fille est une camée. Et une riche mère de famille découvrant que son conjoint, arrêté par la DEA, est un gros trafiquant.
L’occasion d’aborder sur 2h30 de nombreuses thématiques liées à ce sujet. Corruption généralisée au Mexique ; violence des cartels ; déconnexion des autorités par rapport à la réalité ; vœux pieux des policiers de faire tomber les criminels alors que les consommateurs seront toujours là ; addiction ; riche jeunesse laissée à l’abandon… Le tout pour un film qui se veut sobre et réaliste.
Steven Soderbergh adopte un style documentaire. Filmant proche de ses personnages, avec une caméra à l’épaule. Et modulant plusieurs paramètres techniques (exposition, angle d’obturation, type de pellicule, filtre) pour donner un aspect visuel distinct à chaque trame narrative, de façon à ne pas perdre le spectateur. Mais aussi renforçant l’aspect brut et parfois même difficile.
Paradoxalement, là où la plupart des réalisateurs préfèrent embaucher des inconnus relatifs pour renforcer l’approche documentaire, les acteurs sont ici des cadors du cinéma US. Imposition des studios ? Toujours est-il que le choix de Michael Douglas dans l’un des rôles principaux a visiblement grandement aidé à faire valider le projet (Harrison Ford était initialement intéressé !).
Mais cette distribution célèbre ne nuit en rien au film, au contraire. Rôles principaux (Michael Douglas, Benicio del Toro, Catherine Zeta-Jones, Don Cheadle) ou secondaires (Dennis Quaid, Steven Bauer, Topher Grace, Miguel Ferrer…), tout le monde donne du corps à ce film qui n’a rien perdu de sa force.