« 1917 », ou le comble du factice, pour un film dont l’essence même est de se vouloir tout le contraire en terme de réalisme et de vérité...
Sam Mendes pourtant talentueux dans le magnifique « Noces Rebelles » ou encore dans un tout autre registre avec « Skyfall », semble s’être fourvoyé en se focalisant sur ce fameux plan séquence censé nous immerger dans l’action à travers la notion d’étirement linéaire du temps.
Sauf qu’ici cette prouesse technique prend nettement le pas en tant que particularité cinématographique, sur le tragique, sur l’émotion !
Tout cela respire la mise en scène à plein nez, ce que confirme l’omniprésence de la musique ciblée juste comme il faut, quand il faut à en être envahissante au possible et faire l’effet inverse du but recherché...
De même que les images, pourtant quelquefois extrêmement saisissantes d’effroi en terme de détail et d’horreur du début, deviennent ensuite des clichés très esthétisants, à en oublier purement et simplement le conflit et donc l’enjeu même du film.
On assiste ainsi à des ruines éclairées de manière irréelle et fantomatique, à des champs tranquilles et vierges de toute violence, à des cours d’eau mués en véritables torrents et en cascade, alors que l’on est juste près d'Arras dans le Nord !...
Sans compter ce montage typé très film catastrophe, dans lequel nos deux émissaires vont connaître des situations ou des moments quelquefois totalement invraisemblables ou décalés, et à des lieues de ce que l’on attendait dans ce terrible contexte...
Avec même de temps à autre l’impression de se trouver dans un jeu vidéo, dans lequel notre héros court et... s’envole, pendant que Sam Mendes détient la manette du joueur !
Le réalisateur semble tellement s’être concentré sur la technique et la forme, qu’il perd ce qui aurait dû faire l’âme de son film, c’est à dire l’intensité, l’émotion afin d’être atteint véritablement et bouleversé...
C’est d’ailleurs ce que l’on ressent également dans le jeu extrêmement dépouillé des deux acteurs bien trop lisses dans tous les sens du terme. Un jeu bien trop calculé et maîtrisé dans les expressions, en particulier chez l’impassible George MacKay dont la direction par le réalisateur, semble lui avoir ôté toute dimension dramatique.
Dommage d’arriver à ce résultat à propos d’un moment d’histoire étonnant en 1917, qui aurait dû par son sujet et sa gravité, en étant ce parcours de l’impossible contre la montre avec à la clé 1600 soldats à épargner, nous faire vibrer, nous emporter au sein même du danger et de l’horreur de la guerre.
On se remémore évidemment d’autres grandes réalisations bien mieux réussies sur ce thème, mais peut-être faut-il encore mieux se plonger dans le fabuleux livre « Ceux de 14 » de Maurice Genevoix, afin de (presque !) vivre cette guerre cauchemar comme les poilus l’ont vraiment vécue...