"American Beauty", "Les Sentiers de la Perdition", "Jarhead", "Les Noces Rebelles", "Skyfall", "Spectre" : Sam Mendes a toujours eu le chic pour proposer des univers différents et se retrouver là où on ne l’attendait pas…et cela continue aujourd’hui avec cet incroyable "1917". Faire un film sur la 1ère Guerre Mondiale c’est pas nouveau, mais le faire en utilisant un seul plan-séquence (en réalité plusieurs plans-séquences mis bout à bout comme dans "Birdman"…d’ailleurs j’en ai compté 42, et vous ?), là c’est un pari aussi risqué que burné, proposant ainsi une expérience cinématographique totalement immersive et très intense et intime à la fois. Nous avons donc sous les yeux une nouvelle façon de découvrir la guerre autrement que par des énormes batailles rangées avec des milliers de figurants : des ennemis partout, des tranchées infestées de rats, des zones de combat où personne n’avance, la pluie, le froid, la gadoue, les pièges, les snipers, l’absurdité des situations ou des décisions, les hauts gradés complètement à côté de la plaque, un conflit qui s’éternise et s’embourbe, la perte des repères de temps et de lieux, la faim, la fatigue, les hallucinations, la folie…bref une terreur physique et psychologique constante. L’expérience est tout bonnement démente : à la fois oppressante et captivante, la caméra ne s’arrête jamais et nous laisse aucun répit….sauf lorsque le récit le décide : certains passages d’apaisement nous permettent de souffler de temps en temps et de nous souvenir que l’on est encore humain (
le bout de chemin en camion, la rencontre avec la jeune française, le soldat qui chante
). Cela procure une petite dose de poésie lors de ces accalmies qui sont extrêmement renforcées lorsqu’elles se retrouvent « dérangées » : et oui, le répit est toujours de courte durée. Entre chaque « pause », le métrage nous proposera alors son lot de moments de bravoures nous propulsant dans des summums émotionnels (
la suffocante découverte du bunker, la tragique séquence de l’avion ou l’hallucinante course-poursuite nocturne tout droit sortie d’un cauchemar
). Une autre force du film vient du fait que le récit l’emporte sur les personnages et donc les acteurs : si ces derniers sont bien présents, ils sont là uniquement pour servir l’histoire….aucun d’entre eux ne se démarque des autres et on a l’impression que tous supportent le film, sans qu’aucun ne soit plus primordial que ces collègues : la chose est assez rare pour le noter. Donc, sans être formidables, les prestations de chacun sont d’une justesse parfaite qu’il s’agit de George Mackay, Dean-Charles Chapman, Colin Firth, Richard Madden, Mark Strong, Andrew Scott ou même Benedict Cumberbatch, Bref, pour son retour au ciné après "Spectre", Sam Mendes frappe très fort : grâce à un scénario simple et accrocheur, à des décors bruts et réels, une musique envoutante (très bon score de Thomas Newman au passage), à des scènes fortes et surtout au plan-séquence immersif ; son "1917" est une fresque exceptionnelle, humaine, tragique et viscérale qui restera longtemps dans les souvenirs des spectateurs, tout en permettant de mettre enfin dans la lumière les nombreux morceaux de bravoure et actes héroïques que les soldats de l’époque ont multipliés sans jamais pour autant en être récompensés….Merci beaucoup Sam pour ce formidable témoignage.