Midsommar était une de mes grosses attentes à plus d'un titre.
Tout d'abord il s'agit du second film d'Ari Aster, révélé par le très bon Hereditary, un film d'horreur qui certes n'inventait absolument rien, mais qui était réalisé avec un vrai soin, citant Rosemary's Baby ou THE VVITCH (jusqu'à son final) tout en amenant un traitement de la famille et du deuil plutôt exemplaire, associée à un très bon casting et une mise en scène qui exploitait à merveille les recoins sombres de la maison et la pensée.
Ensuite, Midsommar a comme actrice principale Florence Pugh, une de mes actrices préférées (et la meilleure de sa génération pour ma part). Une actrice d'exception qui en plus d'être un vrai coup de foudre, a un futur glorieux, sachant absolument tout jouer.
Pour finir, Midsommar est comme son nom l'indique, un film se déroulant lors d'un été ensoleillé en Suède (pays que j'affectionne et que je connais bien) lors d'une fête folklorique prenant place à chaque solstice, dans une communauté recluse est forcément quelque chose d'aguicheur et de prometteur.
A l'instar de Hereditary, le film aborde en filigrane le deuil et le trauma.
C'est ainsi que nous faisons la connaissance dans un décor urbain hivernal de Dani Arbor (Florence Pugh), sur le point d'être jeté par son petit ami Christian (Jack Reynor, excellent), un lâche mais sympathique étudiant anthropologue.
Au même moment, le film bascule dans la tragédie suite au suicide de sa sœur bipolaire, proposant la 1e séquence marquante et glaçante du film (juste avant l'apparition du titre), évènement qui aura de lourdes répercussions sur l'état émotionnel de Dani (contraignant Christian à rester avec elle, et l'emmener dans un voyage d'étude en Suède avec d'autres amis).
Midsommar n'est pas un film d'horreur : lorgnant entre The Wicker Man, Get Out, Delivrance ou encore Les Diables, il s'agit d'un grand conte de fée virant au cauchemar macabre. Un Alice au Pays des Merveilles sous forme de trip folklorique et sanglant.
Ari Aster place donc la figure féminine (alliée à une forme de trouble mental qu'est la bipolarité et la dépression) au centre d'un récit d'émancipation macabre à la puissance évocatrice rare.
Privée de sa famille, entourée de son petit ami distant sur le point de clore leur relation, ainsi que d'autres étudiants présents pour rédiger leur mémoire, Dani doit expérimenter avec un sentiment de solitude, d'insécurité et de désespoir renforcé par le trauma de départ et la découverte de cette communauté Halga, hyper-empathique, avenante et accueillante, en plein rituel réitéré tous les 90 ans.
Si la notion d'individualisme occidental face au communautarisme païen, ainsi que la catharsis dans la souffrance et la folie, composent la moelle épinière du récit, Midsommar est avant tout un vrai thriller lumineux, truffé de motifs et symboles (chacun avec une signification et un rôle précis) qui sont annonciateurs du prochain évènement marquant à venir. Le village Harga est d'ailleurs un gigantesque puzzle bucolique de triangles, de cercles, de carrés et de runes.
Qu'on se le dise, la structure globale du film est plutôt classique une fois qu'on a compris de quoi il en retourne (et le côté intimiste semble moins personnel que dans Hereditary, bien que pertinent et raccord avec tout le reste du film), mais là où Midsommar se démarque réellement est dans l'élaboration de chaque séquence et son approche globale.
En effet, le film retourne complètement le principe de descente aux enfers, et cela se fait grandement via la photographie magnifique de Pawel Pogorzelski (déjà chef opérateur sur Hereditary), radieuse, lumineuse et rayonnante, composant des plans surréalistes à se damner. L'impression d'être entrée dans le terrier du lapin blanc et d'accéder à un paradis perdu, à l'arrière goût de cuivre dans la bouche. La découverte enchanteresse des lieux et des membres de cette communauté est constamment contre-balancée entre le caractère sordide et dérangeant des rituels ou évènements qui vont découler (que ça aille de la découverte d'un poil pubien dans sa nourriture, censée créer une relation amoureuse, ou celle du fameux Oracle du village).
Cette dichotomie est également appuyée par la formidable OST de Bobby Krlic, opératique et lyrique à souhait, parvenant à créer ce sentiment d'anxiogénéité et de bouffée d'air frais qui cohabitent ensemble, pour un résultat assez inédit.
Après un épisode de prise de substance hallucinogène, la couleur est bien là : tous les repères sont éclatés, chaque instant est une occasion de questionner le sens de l'image et la suite des évènements.
En témoigne le rituel de l'Attestupan (sur une colline), 1e irruption gore et brutale censée bousculer et provoquer un vrai choc des cultures (rassurant pour cette communauté, effroyable pour l'oeil extérieur), dans une grande toile tissée dont le dessein (bien que suggéré sur les fresques murales à intervalles réguliers) sera révélé à la toute fin, sans retour possible, où le tout se finit en incandescence brouillant tout sentiment.
En terme de fabrication, Midsommar est un petit bijou immaculé, où chaque plan est un festin pour la rétine et un régal de composition. Ari Aster prouve qu'il est un des nouveaux conteurs du genre à surveiller (au même titre qu'un Robert Eggers ou Jordan Peele) parvenant également à distiller un message sur le communautarisme sectaire blanc qui peut encore régner dans certaines régions de Scandinavie (en témoigne la figure d'Oracle issue d'un inceste, donc de sang pur)
Florence Pugh livre une de ses 3 meilleures performances, irradiant l'écran à chaque instant, chaque cri, chaque pleur, que ce soit en plein bad trip ou en pleine euphorie. Un acting habité qui porte littéralement le film.
le reste du casting n'est pas en reste, que ce soit Jack Reynor en pleutre, Will Poulter en odieux arrogant motivé par l'idée de ramener une fille dans son lit, ou bien William Jackson Harper, étudiant féru de culture scandinave qui comme le spectateur essaye de comprendre le sens caché des rites d'Halga.
Les acteurs campant les villageois, Maya, Pelle ou le couple londonien doivent aussi être soulignés.
En résulte un film long, prenant, captivant du début à la fin, très contemplatif, aux ruptures de ton fortes (le film est très graphique, que ce soit des passages gores, de la nudité frontale ou encore du sexe explicite et dérangeant)
Midsommar est tout simplement un trip comme nul autre, méticuleusement réalisé, composé et interprété, proposant une lecture (certes plus limitée que dans son précédent film) pertinente sur le deuil, la dépression et la rupture, le tout dans une descente aux enfers rayonnante qui nous lâche pas même après la fin du film (certains plans, notamment la séquence de fin, s'impriment durablement dans l'esprit), malgré un certain aspect programmatique qui le limite.
Un très bon film (pour public averti)